International

Tempête à l’OTAN

À 70 ans bien sonnés, l’alliance militaire chargée de la défense de l’Occident montre des signes de fractures, pour le plus grand plaisir de Moscou. En cause : le financement de l’organisation qui suscite la colère du président Trump, engagé dans un bras de fer avec les autres pays membres. Prochain round : le sommet des chefs d’État, cette semaine à Londres.

Le sommet des incertitudes

L’immense complexe, inauguré il y a deux ans en banlieue de Bruxelles, ressemble davantage à un aéroport qu’au siège d’une organisation internationale. 

Avec ses ailes qui s’emboîtent les unes dans les autres, le bâtiment représente deux mains dont les doigts sont solidement entrecroisés, impossibles à séparer.

Mais à quelques jours d’un sommet crucial, l’OTAN a rarement été aussi près de l’éclatement, déchirée entre un président américain convaincu de porter financièrement l’alliance sur ses épaules et une Europe qui doute de la fiabilité de Washington.

Facture du nouveau bâtiment : 1,75 milliard de dollars. Rien pour réjouir Donald Trump.

Mi-octobre, quelques heures avant la visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo, des dizaines de personnes – moitié en civil, moitié en uniformes militaires – y trottinaient vers leur prochaine réunion. Des mots d’anglais, d’italien et d’allemand se mélangeaient dans les corridors. Ce jour-là, M. Pompeo s’est fait rassurant.

« Nos alliés et partenaires de l’OTAN sont un élément important du mécanisme américain de défense », a-t-il affirmé en fin de journée, flanqué du secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg.

Donald Trump a pris l’habitude d’être moins diplomate que son secrétaire d’État. L’OTAN est « obsolète », « nous sommes les idiots qui payent pour ça », « ça nous coûte une fortune », a-t-il dit. Le New York Times a même révélé que le président avait évoqué en privé la possibilité de retirer les États-Unis de l’alliance.

Faibles attentes

Ces coups de sang se répéteront-ils la semaine prochaine ? Le sommet des chefs d’État de l’OTAN, qui s’ouvre mardi en Angleterre, promet de tester une fois de plus la solidité de l’alliance entre pays occidentaux. Si l’organisation souffle cette année ses 70 bougies, personne ne semble avoir le cœur à la fête.

Donald Trump y participera, face à des Européens eux aussi divisés : le président Emmanuel Macron semble avoir jeté l’éponge en affirmant récemment que l’organisation était en « mort cérébrale », déclenchant les protestations allemandes.

Le simple fait que le sommet ne tourne pas au vinaigre serait un gain, confie en entrevue Jacob Parakilas, chercheur chez LSE Ideas, le groupe de réflexion de la London School of Economics.

« Au dernier sommet de l’OTAN, à l’hiver 2018, il y a eu cette explosion de colère du président Trump, qui a presque menacé de quitter l’alliance, avant de se vanter d’avoir pu convaincre les alliés d’investir davantage en défense. Si des coups d’éclat rhétoriques du genre peuvent être évités, ce sera une victoire pour la plupart des leaders. »

Les chefs d’État et de gouvernement se réunissent mercredi dans un hôtel de l’Hertfordshire, non loin de Londres. La veille, ils seront reçus par la reine Élisabeth II, à Buckingham Palace. Mais les petits fours et le vin de Sa Majesté risquent de ne pas être suffisants pour rétablir la bonne entente entre alliés. D’autant plus que Donald Trump peut très bien faire un autre coup d’éclat.

« Évidemment, on ne peut pas prédire s’il se tournera vers son compte Twitter la fin de semaine avant le sommet pour menacer des alliés européens », affirme le professeur Benjamin Zyla, de l’Université d’Ottawa, qui enseigne actuellement à l’Université Harvard. « Qui sait ? On n’a pas de boule de cristal. »

Ce spécialiste de l’OTAN a aussi des attentes plutôt basses pour la rencontre de cette semaine. « Si les leaders pouvaient s’entendre sur le fait qu’il y a des mésententes, ce serait un début, dit-il. Et si les participants au sommet pouvaient prendre l’initiative de remettre de l’avant le fait que l’OTAN est davantage qu’une alliance militaire, mais aussi une alliance politique, ce serait à leur avantage. Ça permettrait de jeter les bases pour discuter efficacement des dissensions. »

Rejeter sa création

Au-delà de la réussite ou de l’échec du sommet lui-même, c’est l’avenir de l’organisation qui assure la sécurité de l’Occident depuis sept décennies qui est en jeu.

« La question centrale, c’est de savoir si les États-Unis tiennent encore aux principes fondateurs de cette organisation », explique Jacob Parakilas. Pendant des années, l’OTAN a été considérée comme une créature américaine qui permettait à Washington de consolider sa sphère d’influence face à ses adversaires. À présent, le créateur semble se rebeller contre sa propre création.

Ce rejet est généralisé, souligne le professeur Zyla.

Il y a en ce moment à Washington un mépris pour les institutions multilatérales et les organisations internationales, notamment l’OTAN, mais aussi l’Union européenne et l’ONU.

Benjamin Zyla, professeur à l’Université d’Ottawa

« Les interrogations autour de l’OTAN et la pression appliquée sur les alliés européens et le Canada pour augmenter leurs dépenses militaires ne sont pas une innovation du gouvernement Trump, ajoute-t-il. C’était déjà le cas avec Barack Obama. Mais le ton et l’approche étaient différents. »

M. Parakilas modère toutefois les ardeurs des Cassandre qui mettent déjà l’organisation sur une voie de garage. « L’unité politique à l’intérieur de l’alliance n’est pas dans un bon état, mais l’alliance a traversé d’autres défis, de vraies crises, dans le passé », dit-il, évoquant le déclenchement de la guerre en Irak en 2003 ou le retrait de la France de l’alliance. « Je ne suis pas certain que la situation actuelle soit aussi grave. »

Avec lapresse.ca 

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