« Le nombre de livres rédigés par Maodo ne saurait être contenu dans une pirogue », avait l’habitude de dire El Hadji Mbaye Dondé Mbaye. Cette assertion donne une idée du patrimoine littéraire et de l’héritage livresque laissé par Seydi Hadji Malick Sy en de matière sciences. En effet, ce Qutbul Aqtâb, s’est trouvé être un poète hors pair doublé d’une science sans commune mesure dans tous les domaines de connaissance. Il avait réussi à faire de la ville sainte de Tivaouane la plaque tournante des enseignements islamiques. A cet effet, on y enseignait la Charia, le Fiqh (jurisprudence islamique), la rhétorique (balâ’ha), la grammaire (nahwou), l’astrologie (‘ilmoun-noudjoumi), etc. La parfaite maitrise de toute ces domaines de connaissance a fini par faire de Maodo le professeur émérite qu’il fût. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a formé ses moukhadam et par la même occasion fait d’eux des dépositaires de sa haute science. Ainsi, dans le souci de permettre aux générations futures de pouvoir assouvir leur soif en matière de science islamique Seydi hadji Malick Sy a consigné une partie du savoir dont Allah (swt) lui a fait grâce dans des ouvrages. Ceci nous amène à revisiter ces écrits qui, pour la plupart sont restés dans la postérité en raison de leur richesse inégalée et inégalable.
Parmi les nombreuses œuvres du saint homme on citera quelques-unes :
Hourôufou Salâtil Fâtihi : Il s’agit d’un poème dans lequel le saint-homme formule des prières envers son Seigneur. Il est à noter que la particularité de ce texte poétique est qu’il est écrit à partir de lettres composant la meilleures des prières sur le Prophète (saw) à savoir la Salâtoul Fâtihi ou le Superlatif Absolu. D’où sa beauté formelle et sa richesse lorsque l’on s’intéresse au fond. D’ailleurs la raison pour laquelle Maodo commence dans les deux premiers vers par prier sur le Seydi Ahmed (saw) après avoir rendu grâce au Créateur : « Al Hamdou lil-lâhi Wa çallal- lâhou … Mousallimane ‘alal-lazî adjtabâhou ».
Ifhâmoul Mounkirou Jaani ou réduction au silence du dénégateur. Dans cet ouvrage, il est question de défendre la Tijaniyya, dont il était le Calife sans conteste, en balayant d’un revers de la main les idées développées par certains pourfendeurs de la Tarîqa avec notamment l’apparition du Wahhabisme qui, déjà à l’époque commençait à s’implanter dans le pays sans pour autant connaître une éclosion.
Zajr Ul Qulûb : C’est un prône qui vise à rappeler aux croyants l’importance de ne pas trop s’attacher à cette vie ici-bas. C’est donc un appel fait au cœur du disciple afin qu’il se détourne des choses mondaines qui ne lui sont d’aucune utilité et qui pourrait constituer un obstacle et non des moindres pour son élévation spirituelle et l’atteinte de cet état d’apaisement du cœur.
Fâkihatou Toullâb : Cet ouvrage suit une logique consistant à définir les contours de la Tarîqa. En effet, Seydi Hadji Malick Sy y développe des enseignements visant à permettre au disciple tidjane de bien connaitre les réalités qui sous-tendent cette voie soufie. Aussi, il y revient sur des thèmes qui ont traits avec la pratique du Wird Tidjane et des oraisons connexes.
Adâboul Masdjid : Dans ce poème, Maodo expose les convenances à respecter par le musulman lorsqu’il se rend à la mosquée dans le but d’être dans l’esprit de ce lieu d’adoration dont le Tout-Puissant s’est adjugé la propriété.
Khilaçu ez-Zahab ou L’or décanté. Cette œuvre est considérée à juste titre comme le chef-d’œuvre de Maodo. En effet, il s’agit d’un poème dédié au Prophète de l’islam. Toutefois, au contraire de tout ce qui est écrit et dit sur le Prophète, « Khilaçu ez-Zahab » se singularise de par son exhaustivité sur les différentes phases de la vie de celui-ci. Seydi Hadji Malick y parle de Seydi Ahmad (saw) en ne se limitant pas sur son parcours en tant que Messager d’Allah mais en retraçant plusieurs étapes de l’existence du meilleur des êtres créés. Ainsi, Maodo a commencé tout d’abord par parler de l’existence première du Prophète, c’est-à-dire en tant que lumière, tout en mettant l’accent sur les différents océans de lumière dans lesquels il a séjourné avec comme seule et unique préoccupation la glorification de son Seigneur. En procédant de la sorte, ce pôle secoureur, initiateur du Gamou au Sénégal, a voulu montrer la relation intime qui existe entre Allah (swt) et son Prophète (saw) et ce, avant qu’aucune autre créature ne soit. Cela, témoigne de la primauté de Seydi Ahmad (saw) sur tous les êtres. C’est dans cette optique que Maodo va jusqu’à révéler une réalité longtemps méconnue lorsqu’il déclara : « Fa Innahou iz arâdal- Lâhou Nach atanâ Abâna mine nourihî nouran-nabil ‘alami » « C’est lorsque Dieu voulu procéder à la création qu’il extra de sa Lumière la lumière du Prophète ». Aussi, il a été question dans ce poème de parler du prophète lorsqu’il est descendu sur terre avant que la révélation ne vienne à lui. C’est-à-dire durant son tendre enfance jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge symbolique de 40 ans et tous les signes annonciateurs de sa prophétie. Ensuite, Seydi Hadji Malick Sy retrace le parcours du Prophète en tant qu’ultime Messager d’Allah avec des détails on ne peut plus précis sur les péripéties de sa mission, les batailles qu’il a eues à livrer, les victoires éclatantes dont il a été l’artisan, les difficultés auxquelles lui et ses fidèles compagnons ont été confrontés, jusqu’au crépuscule de sa vie terrestre et au-delà même.
Kifayat ar-raghibîn : C’est un texte poétique dans lequel il a été question de revisiter certains aspects de jurisprudence islamique ou chari’a par le truchement de thèmes divers et variés.
Wassîlatoul Mounâ : Plus connu sous le nom de « Taîssir » est aussi un poème dans lequel Seydi Hadji Malick Sy glorifie son Seigneur en chantant ses 99 attributs divins. Ce texte poétique renferme d’innombrables bienfaits et est souvent récité en groupe les nuits de vendredi.
Wassîlatoul Mouqarrabîna ilâ Hadaratil Matîni : Il s’agit d’un poème dans lequel cet élu privilégié de Dieu montre sa soumission totale au Tout-puissant et à la Volonté Divine. Cela apparait dès les deux premiers vers à savoir : « fa lâ boudda mina chakwâ ilal- lâhi kourbatî… Famâ liya ‘hayral- lâhi djâbirou Kasratî », que l’on pourrait traduire par : Je suis dans l’obligation de faire part de ma vicissitude à Dieu ; Car en dehors de Lui nul autre ne pourrait apporter un remède à ma fracture. Ceci est une manière pour lui de montrer la proximité qui doit exister entre le Créateur et ses créatures comme l’a si bien explicité le Coran lorsque Dieu dit : « Et quand Mes serviteurs t’interrogent sur Moi ; alors Je suis tout proche : Je réponds à l’appel de celui qui Me prie quand il Me prie. Qu’ils répondent à Mon appel, et qu’ils croient en Moi, afin qu’ils soient bien guidés. » Sourât 2 Verset 186.
Fa Nadjinâ : Ce poème composé de 36 vers est d’une grandeur et d’une importance insoupçonnées. Il y a aussi un aspect mystique fortement présent dedans. En effet, ce texte est rempli de prières au premier plan desquelles il y a celle qui consiste à chercher la protection du Seigneur face à satan et à ses ruses. Egalement, il est important de savoir que toute la baraka de ce texte se trouve consignée dans les vers 31 et 32, à savoir : « Amâtanal-lâhou ‘alâ dîni-Nabiyyi… Wa Houbbi Cheykhinâ Imâmi Tayyibi » ; que nous traduirons par : Puisse le Tout-Puissant faire que nous quittions ce bas-monde en étant des musulmans… Et des amoureux inconditionnels de notre Maître, le guide d’exception. C’est ainsi que Qutbul Aqtâbul Kabîr, Seydi Mouhamed EL Cheikh nous apprend que lorsque le disciple tidjane fait son Lâzim et qu’après avoir dit « A’oûzou mina chaytânir rajîm » il récite ces deux vers avant de continuer avec la Fâtiha, son Lâzim sera garanti et agréé.
Temporalité de la clé litanique : “Mina nassârâ wa mane khafaw tarikha houmou Yâ Allahou Ya Hayyou yâ mane qâla adh’oûnî, inî da’awtouka zâ khawfine fa khouz bi yadî yâ djâ’ilal hâli baynal kâfi wa noûni”.
Une analyse de cette clé fait ressortir une portée à la fois contemporaine à l’époque de Maodo, et intemporelle.
– Contemporain car l’oppression des envahisseurs n’eut aucun effet de nature à déranger Maodo rta et ses implacables partisans ;
– Intemporel car le remède que constitue cette clé contient un principe actif déclenché à l’endroit de tout détracteur de la Tarikha Tidjânia, fut-il du monde sensible ou caché.
L’invocation interpellative : « Alâ Yâ Rassoulal-lâhi Yâ Afdalal warâ fa hâ nahnou fi dîqine chadîdi tarâkoumi fa hâ nahnou fi dîqine wa lame nardjou Fâridjane siwal- lâhi wal hâdî li souboulil makârimi… » Qu’on pourrait traduire comme suit « O toi l’envoyé de Dieu, toi la meilleure des créatures divines. Nous voici dans une impasse et nous ne comptons sur personne pour nous en sauver, hormis Allah, Le Parfait Guide vers le chemin des qualités les plus nobles et vertueuses.
Cette prière, ô combien importante, fait suite de la convocation de Cheikh Abdou Hamîd Kane, mouqadam de Mawdo à Kaolack par le commandant Brocar qui se plaignait des séances de Wazifa qui se tenaient après les prières de Fadjr car selon lui elles dérangeaient les gens dans leur sommeil. Il somma ainsi le saint homme de ne plus faire de Wazifa. Par la suite Cheikh Abdoul Hamîd Kane se rendit à Tivaouane pour faire part de la situation à Seydil Hadji Malick Sy qui dénicha une prière mystique d’une puissance insoupçonnée et demanda à son Mouqadam de l’insérer dans la prière de clôture de séances de Wazifa. Aussitôt fait, les conséquences fût dramatiques et irréversibles pour Brocar qui est immédiatement démis de ses fonctions avec l’ordre de regagner le plus rapidement possible la métropole. Une fois arrivé en France, on le retrouvera mort d’une mort mystérieuse. Aussi, il s’est trouvé que sont substitut était un grand amateur de la Wazifa, qu’il considérait comme de belles paroles agréables à écouter.
Dans la même dynamique, au chapitre des œuvres de Seydi Hadji Malick Sy on va inclure le fameux Bourdatoul Madîh de Imam Bousseyri. Ce poème doit sa célébrité, ici au Sénégal, au fait que c’est le saint homme qui l’ait choisi pour être chantonné durant les 10 premiers jours précédant la célébration de la naissance du Prophète de l’Islam (saw). Toutefois, lorsque l’on s’intéresse à la dimension exotérique de cette œuvre poétique, l’Imam Al Mahdi (as), en l’occurrence Mawlâya Seydi Mouhamed EL Cheikh, nous apprend que dans le monde Haïb, le Bourde est considéré comme une œuvre dont la paternité revient à Maodo. Ce qui n’empêche en rien Imâm Bousseyri d’en être rétribué. Cela tient au fait que pour qu’un texte quel qu’il soit porte la garantie du monde Haïb, il faut qu’il y ait un Pôle Secoureur qui en fait la demande à moins que le texte lui-même n’émane d’un Qutbul Aqtâb. Ainsi, lorsque Seydi hadji Malick Sy est venu et qu’il s’est rendu compte que ce poème ne portait pas la marque du Monde Haïb, alors il en a fait la demande à ses pairs Qutbul Aqtâb. Ce qui lui a été accordé. La particularité d’un texte portant une garantie de Haïb est qu’il acquiert, de facto, une puissance mystique hors du commun avec des bienfaits incommensurables pour quiconque le récite et constitue un remède à tout problème lorsqu’on demande l’intercession avec. Aussi, il est important de rappeler que pour les mystiques, l’objectif ultime lorsqu’ils écrivent un texte c’est qu’il soit reconnu et accepté au monde Haïb. Ce qui ne peut se faire qu’avec l’aval des Qutbul Aqtâbs. Pour plus clair, on dira qu’un seul texte garanti est plus puissant mystiquement parlant qu’un millier de livre réuni et dont aucun ne porte de garantie du monde céleste.
Maodo à Barzaqoul Maktoûm ou le paradis de Cheikh Ahmed Tidjani (rta)
La reconnaissance de Cheikh Ahmed Tidjani pour les réalisations de Seydil Hadji Malick Sy ne fait aucun mystère pour les élus. Son grade de Qoutboul Aqtâb suffit à mettre tout le monde d’accord. Le missionnaire qu’il fut et son élévation spirituelle lui ont valu d’avoir le privilège de siéger auprès de son honorable guide au 4ème ciel. En effet Mawlaya Cheikh Ahmed Tidjani Cherif a affecté Maodo à Barzaqoul Maktoûm d’où il préside les séances de wazifa des tidianes de tout horizon, de toute provenance, quel qu’ait été son cheikhou tarbiya dans le monde chahada !
DESK TARIQAH TIJANE