Sociétés et traditions

Mort d’Ibrahima Touré : Les déclarations fracassantes d’Eumeu Sène devant la gendarmerie

On en sait beaucoup plus sur les circonstances exactes de la mort d’Ibrahima Touré, surpris dans le véhicule du lutteur Eumeu Séne, ligoté et bastonné à mort. Ibrahima Touré aurait confié peu avant sa mort avoir agi pour le compte d’individus qui en voulaient à Eumeu Séne. De même, selon les lieutenants du lutteur arrêtés et déférés au parquet hier, pour meurtre, Ibrahima Touré allait connaître une mort beaucoup plus atroce avec la décision prise par les populations de le jeter à la mer, après l’avoir ligoté. “L’Obs” vous livre la suite de cette affaire avec notamment la conduite au parquet hier, des deux lieutenants d’Eumeu Séne

C’est fait ! Après leur arrestation suivie de leur placement en garde à vue à la gendarmerie de la Zone Franche Industrielle, Babacar Sarr et Maguette Ngom, tous les deux membres de la garde rapprochée du lutteur Eumeu Sène, ont été déféré au parquet. Leur garde à vue démarrée le vendredi 03 juillet 2020, en fin d’après-midi et qui devait se terminer le samedi, avait été prolongée de 48 heures par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Pikine, pour donner aux enquêteurs le temps de procéder à toutes les auditions pouvant aider à édifier sur cette affaire qui continue de tenir en haleine la banlieue. Hier lundi en milieu de matinée, la prolongation de la garde à vue a pris fin et a été immédiatement suivie du défèrement au parquet du procureur de la République de Babacar Sarr et Maguette Ngom.

Eumeu Séne : «Le jeune m’a confié avoir été payé par les jumeaux habitant Keur Mbaye Fall…»

Placé au centre de cette affaire du fait de son aura et qu’il est propriétaire du corps du délit initial, Eumeu Séne, Mamadou Ngom à l’état civil, a semblé très secoué par la mort de Ibrahima Touré. Selon des témoins, il a tenté vainement de s’opposer au lynchage du jeune Ibrahima Touré qui lui a été livré pieds et mains ligotés. Conscient qu’il pourrait être éclaboussé par cette affaire, notamment si la mort survenait au cours du lynchage, le chef de file de l’écurie «Tay Shinger», alerté alors qu’il dormait dans sa chambre, soutient avoir vite dévalé les escaliers pour se porter dehors, à la devanture de sa maison où une foule s’était déjà formée. «C’est au moment de descendre les escaliers que j’ai entendu beaucoup de bruits, j’ai vu que la rue était prise d’assaut par les populations. Je me suis opposé à ce qu’il soit battu car les choses pourraient se retourner contre moi», a confié Eumeu Séne, dont ni la force presque herculéenne et encore moins le bagout n’ont pu dissuader la foule. Ne pouvant rien faire, il s’est alors dirigé vers son véhicule, un Rang Rover de couleur noire sans plaque d’immatriculation garé non loin et qui était visé par la bande des quatre voleurs (les trois se sont enfuis à l’approche des vigiles pendant que Ibrahima, moins chanceux, est arrêté). Le cœur meurtri, face à la vitre arrière cassée par les malfaiteurs, il a longuement promené son regard sur la voiture avant de revenir sur ses pas pour cette fois, jouer du coude afin de se frayer un passage jusqu’au jeune Ibrahima Touré, très mal en point, couché à même le sol, pieds et mains ligotés, le corps couvert de sable. Penché sur le voleur, le lutteur déchu de sa couronne de roi de l’arène par Modou Lô, soutient avoir pu échanger quelques mots avec lui. Un échange bref au cours duquel Ibrahima Touré, les propos confus, la voix saccadée, du sang suintant de ses blessures, lui a confié qu’il a agi pour le compte d’individus qui lui ont remis de l’argent.

Et si le mobile des quatre malfaiteurs n’était pas que le vol.

Se voulant plus explicite, l’ex-roi des arènes a soutenu mordicus que le jeune Ibrahima Touré qui semblait convaincu que l’heure de sa mort a sonné, a choisi de se  confesser : «Je ne le connais pas, mais il a soutenu avoir été payé par les jumeaux habitant Keur Mbaye Fall et qui sont bien connus. Il a également cité des noms de personnes que je ne connais pas», témoigne Eumeu Séne. Une révélation qui pourrait laisser croire que le vol n’était pas le seul mobile de la bande des quatre malfaiteurs. «Il pourrait également s’agir d’une volonté de nuire ou de déstabiliser l’ex-roi des arènes», confie un voisin du chef de l’écurie «Tay Shinger.» Pourtant, dans ses déclarations, Eumeu Séne a révélé que dans le passé, sa maison a été plus d’une fois la cible de malfaiteurs. «Le jeune n’était pas seul, il était avec d’autres et j’ai eu l’information qu’ils étaient tous armés. Dans le passé, j’ai été victime de quatre vols, dont l’un a porté sur un pétrisseur (un appareil de massage) acquis à trois millions de francs Cfa.»

Babacar Sarr et Maguette Ngom plaident non coupables et chargent les populations

Cueillis par les gendarmes, après que tous les témoignages les ont accusés, les deux hommes de main de Eumeu Séne ont choisi de jouer la carte de la dénégation pour rejeter toute implication dans la mort de Ibrahima Touré. Babacar Sarr et Maguette Ngom ont soutenu avoir même tenté de dissuader la foule qui s’est acharnée sur le présumé voleur. Un système de défense qui s’est écroulé comme un château de cartes face aux différents témoignages et surtout, lorsqu’à la vue de la vitre arrière du véhicule endommagée par les malfaiteurs, Babacar Sarr et Maguette Ngom sont entrés dans une colère noire. «Ils ne pouvaient plus se retenir, c’était clair qu’ils en voulaient à mort aux auteurs du saccage du véhicule de leur mentor», témoigne un habitant présent pendant tout le temps que le jeune Ibrahima Touré, couché à même le sol, se tordait de douleur. «Quand les gendarmes, arrivés quelques minutes plus tard, ont voulu le remettre sur ses pieds, le jeune s’est subitement écroulé, il en était incapable», confie le même témoin qui balaie d’un revers de main l’empressement des deux lieutenants d’Eumeu de tout mettre sur le dos des populations. «D’abord le quartier Mbao Gokh Ba où les choses se sont déroulés est assez particulier du fait du statut de ses habitants qui, le plus souvent, restent retranchés dans les maisons. Ce sont des gens très réservés, incapables de faire montre d’une telle violence», souffle le témoin. En plus de rejeter toute responsabilité de la bastonnade qui a précipité la mort d’Ibrahima Touré, les deux lieutenants d’Eumeu ont également blanchi leur mentor. «A aucun moment, Eumeu Séne n’a levé la main sur le jeune. Nous sommes arrivés avec lui sur les lieux où nous avons trouvé le jeune couché. Il était dans un état critique, tout le quartier réuni autour de lui. C’est en réalité Eumeu qui a alerté les gendarmes», soutient Babacar Sarr. Âgé de 25 ans, il est lutteur membre de l’écurie «Tay Shinger» et également coopté pour assurer la sécurité de l’ex-roi déchu par Modou Lô. Son autre collègue dans la sécurité de Eumeu et avec qui il a été déféré au parquet hier, répond au nom de Maguette Ngom, éleveur qui a choisi de se mettre à la disposition de l’écurie pour assurer la sécurité du «Boss», surnom collé à Eumeu Sène.

Les gens voulaient le jeter à la mer

Une révélation de Eumeu Sène et de ses deux lieutenants qui témoigne de la folie subite qui s’était installée à Mbao Gokh Ba dans la nuit du jeudi 02 au vendredi 03 juillet 2020. Au cours de la bastonnade infligée au pauvre Ibrahima Touré arrêté pendant que ses complices ont pris la fuite, des voix ont suggéré qu’il soit purement et simplement jeté à la mer. Il faut dire que dans beaucoup de villages qui bordent la mer au Sénégal, la pratique avait cours jusque dans un passé récent. On se souvient de ces histoires relatées à la pelle, portant sur des voleurs arrêtés et mis dans une pirogue une corde autour du cou attachée à une pierre. Amené en pleine mer dans la nuit, le voleur lesté de la pierre est balancé dans l’océan. Une pratique qui explique pourquoi ces villages étaient épargnés des malfaiteurs. Une justice expéditive qu’a failli subir Ibrahima Touré, si l’on se fie aux déclarations d’Eumeu Sène et de ses lieutenants arrêtés par la gendarmerie de la Zone Franche Industrielle. «A un moment, les gens voulaient l’amener et le jeter à la mer, je me suis opposé à cela pour ensuite demander que la gendarmerie soit alertée. Je suis d’ailleurs resté sur place jusqu’à l’arrivée des gendarmes», témoigne Eumeu.

C.G (38 ans) vigile : «Nous l’avons ligoté et avons remis à Eumeu Sène son voleur»

Il fait partie du comité de vigilance qui toutes les nuits, parcourt les rues de la localité de Petit Mbao Gokh Ba, traquant les malfaiteurs, rémunérés à partir des cotisations des habitants de ladite cité. «Ils étaient quatre. Je les ai surpris pendant ma ronde, s’affairant autour du véhicule de Eumeu Sène, d’ailleurs l’un d’eux était déjà à l’intérieur du véhicule. Quand je les ai éclairés avec ma lampe-torche, les trois ont fui et j’ai couru vers le quatrième qui tentait de sortir du véhicule. Je l’ai maîtrisé et j’ai crié pour appeler mes collègues qui m’ont rejoint. Nous l’avons ensuite ligoté et avons réveillé Eumeu Séne pour lui remettre son voleur (sic), en lui expliquant les faits. Puis, nous avons continué notre ronde. Ce n’est qu’au petit matin que j’ai aperçu le véhicule de la gendarmerie venir récupérer le gars qui avait les habits mouillés et le corps couvert de sable. Aucun des vigiles ne l’a frappé, c’est la règle dans le comité, on ne bastonne jamais un malfaiteur. Et j’ignore si les gars de Eumeu l’ont touché», a témoigné le vigile C. G

Les deux lieutenants d’Eumeu ont fait l’objet d’un retour de parquet

Après leur départ de la gendarmerie de la Zone Franche Industrielle hier lundi, en milieu de matinée, les deux hommes de main du lutteur Eumeu Séne, arrêtés pour meurtre, n’ont pu voir le juge d’instruction pour leur placement sous mandat (leur mise en liberté serait un miracle). En attendant; ils ont fait l’objet d’un retour de parquet et devront être à nouveau conduits au tribunal, ce mardi.

AVEC IGFM

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