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Formateur militaire des sénégalais de Boko Haram : Sur les traces de l’insaisissable Moustapha Diallo, alias Abou Darda.

Entre avril et juillet 2018, le Sénégal a connu un évènement inédit. Près de 30 personnes ont défilé devant la chambre criminelle à formation spéciale pour répondre de faits liés au terrorisme. Dans le lot des accusés, des hommes ayant fréquenté le groupe djihadiste qui sévit dans le nord du Nigeria depuis plus de 10 ans. Certains d’entre eux ont reconnu avoir pris les armes et combattu dans les rangs du groupe en 2015, alors qu’il venait de jurer allégeance à l’État islamique. 

Devant le prétoire de la salle 04 du tribunal de Dakar, Mohamed Ndiaye alias Abou Youssouf, qui a finalement été condamné à 15 ans de travaux forcés pour activités terroristes par association de malfaiteurs, a soutenu avoir été utilisé « malgré lui » au front par Boko Haram. Ce pêcheur de métier, profession qu’il exerçait en Mauritanie avant son voyage au Nigeria, a avoué aux juges avoir été initié au maniement des armes par un compatriote du nom de Moustapha Diallo, dont le surnom est Abou Darda. 

Ce dernier n’a pas retenu l’attention de la chambre criminelle. Encore moins celle de l’opinion sénégalaise. Mais elle n’en intéresse pas moins les services secrets sénégalais pour son profil atypique.

Formateur militaire des Sénégalais à Boko Haram 

Formateur de ses compatriotes au sein de Boko Haram, Moustapha Diallo est la preuve vivante d’un endoctrinement abouti. Il l’a prouvé en jouant le rôle de moniteur militaire et en refusant l’idée de rentrer au Sénégal, au moment où douze de ses compatriotes ont décidé de quitter les rangs du groupe djihadiste en raison de leur désaccord avec Shekau sur bien de questions dont la détention de documents administratifs d’un État  laïc par un musulman; même si les services sénégalais rejettent cette version et affirment que les Sénégalais de Boko Haram voulaient en fait rentrer pour installer une cellule dans le sud du Sénégal. 

Quoi qu’il en soit, Moustapha Diallo est resté au Nigeria auprès de Shekau de même que Abou Zar, Bella Diallo, Abou Salmane et Abou Moujahid. Mais que sait-on de lui réellement ? 

Imam à Thiabakh

Selon des informations obtenues par Dakaractu, Diallo est né en 1981 et aurait été recruté par un autre mystérieux djihadiste sénégalais originaire du nord du Sénégal, le maitre coranique Aboubacry Guèye alias Abou Hamza. Sa famille serait établie au quartier Thiabakh de Richard Toll (département de Dagana) où il aurait lui-même construit une mosquée qu’il a dirigée pendant un moment comme Imam. 

Thiabakh a été reconnu comme circonscription le 25 mai 1988 sur décision de l’alors ministre de l’Intérieur, André Sonko. Djiby Demba Diéry Sow est le premier délégué de quartier de Thiabakh, qui compte aujourd’hui près d’une vingtaine de mosquées et où se réveillent des milliers d’âmes. 

En 2014, Guèye aurait aidé Moustapha Diallo et d’autres, comme  Aboubacry Diallo alias Abou Djendal et Latyr Niang, à partir pour le nord du Nigeria. Ils auraient séjourné entre Abadam, Gwoza et la forêt de la Sambisa, des zones alors contrôlées par Boko Haram sous le joug de Abubakar Shekau. 

Condamné à 05 ans de prison à l’issue du procès dit de l’Imam Aliou Ndao, Latyr Niang a bénéficié d’une liberté conditionnelle tandis qu’Aboubacry Diallo, qui a écopé de 10 ans de travaux forcés, doit encore faire au moins 05 ans en prison.

Moustapha Diallo a certainement suivi de loin la comparution de ses « frères » devant la chambre criminelle, lui qui a choisi de poursuivre le combat aux cotés de Shekau. Mais qu’est-il devenu ? 

de Shekau à Bakoura

Après la cassure intervenue au sein de Boko Haram en 2016, née de l’intronisation de Habib Yusuf, fils de Muhammed Yusuf comme nouveau wali (gouverneur) de la province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (PEIAO) au détriment de Abubakar Shekau, Moustapha Diallo aurait renouvelé son allégeance à ce dernier. 

Selon un spécialiste de Boko Haram, Abou Darda aurait même fait partie des hommes de confiance de Shekau qui s’est constitué une garde rapprochée constituée de ressortissants ouest-africains pour assurer sa sécurité. Ce serait l’un des secrets de sa longévité à la tête de ce groupe djihadiste qui a traversé bien des péripéties depuis son passage dans la lutte armée.
De « janissaire » de Shekau dans la forêt de Sambisa, le djihadiste sénégalais se serait rapproché d’Ibrahim Bakoura.

Ibrahim Bakoura a épousé la cause de Boko Haram alors que le groupe était encore dirigé par Muhammed Yusuf, tué en 2009. Vers la fin de l’année 2016, il était devenu un chef de guerre opérant avec son groupe dans le sud-est nigérien, à la frontière avec le Nigeria. Il était la terreur des populations locales et a fini par se mettre à dos la province de l’État islamique qui privilégiait les attaques contre les forces armées. Il s’est ainsi rapproché de Jamahatu Ahlu Sunna li Dahwati wal Jihad de Shekau dont les méthodes ressemblaient plus aux siennes. 

En septembre 2019, des membres de son groupe ont fait une vidéo de 12 minutes pour annoncer leur allégeance à Abubakar Shekau. En mars 2020, une attaque meurtrière à Bohoma a coûté la vie à 98 soldats de l’armée tchadienne. Le groupe de Shekau a revendiqué l’attaque, vraisemblablement menée par la faction de Bakoura. Une contre-offensive tchadienne a suivi, combinée à des opérations de la force multinationale mixte dans cette région où s’embrassent le Nigeria, le Cameroun, le Niger et le Tchad. Le djihadiste sénégalais a-t-il pris part à ces combats ? Mystère et boule de gomme.

Diallo, l’insaisissable 

Pour les services sénégalais, Moustapha Diallo est rentré mais ne serait pas resté au Sénégal. Il se serait caché en Gambie auprès de sa mère, croient savoir nos sources qui ne sont pas cependant définitives, mais suivent la piste pour éviter toute mauvaise surprise. C’est dire que le djihadiste, contrairement à la bande à Matar Diokhané qui s’est fait arrêter, fait tout pour passer inaperçu. Mais peut-être a-t-il été tué au combat au Nigéria comme le maitre coranique du Lac Rose, Moussa Mbaye, ou encore Cheikh Ibrahima Dieng.

avec Dakaractu

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