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Retour d’Ebola en RDC et en Guinée : “Nous sommes mieux préparés qu’il y a cinq ans”

La fièvre hémorragique Ebola est de retour en RDC et en Afrique de l’Ouest, où la maladie a fait cinq morts confirmés en Guinée. Faut-il s’inquiéter de cette nouvelle flambée de cas ? Comment s’organise la riposte des autorités ? Éléments de réponse avec John Johnson, référent vaccination et réponse aux épidémies pour Médecins Sans Frontières (MSF).

En pleine pandémie de covid-19 , c’est un nouveau front sanitaire qui s’ouvre : Ebola a refait son apparition début février sur le continent. À quelques jours d’intervalle, des cas d’infection au virus sont réapparus en République Démocratique du Congo et en Guinée , où les autorités sanitaires ont déclaré le pays en “situation d’épidémie”.

Avec cette nouvelle flambée, l’Afrique de l’Ouest voit resurgir le spectre de l’épidémie de 2013-2016 qui avait fait 11 300 morts (sur 28 600 cas recensés), soit le plus lourd bilan enregistré pour ce virus originaire d’Afrique centrale qui provoque fièvre, maux de tête, vomissements et diarrhées.

Cependant, la situation est bien différente aujourd’hui. Les autorités ont rapidement réagi en décrétant une série de mesures de restrictions dans les zones touchées et en appelant l’OMS en renfort.

John Johnson a participé à de nombreuses campagnes de riposte contre Ebola. Référent vaccination et réponse aux épidémies pour MSF, il répond aux questions de France 24 sur cette nouvelle résurgence de la maladie.

France 24  : Comment explique t-on le retour du virus d’Ebola en Afrique ?

John Johnson : Certaines maladies, comme la rougeole ou la variole n’existent que dans le corps humain. En revanche, Ebola est présent dans un vecteur, un réservoir, sans doute la chauve-souris. Il peut arriver que cet animal transmette la maladie soit directement, soit par un autre animal contaminé. Ebola ne pourra donc pas être éradiqué, car il existe dans la nature. C’est donc prévisible d’avoir cette nouvelle flambée de cas.

Cela reste inquiétant, mais ce n’est pas inattendu. Par ailleurs, ce genre de flambée peut être rapidement étouffée. Ebola est très mortel, mais pas très contagieux. Son taux de reproduction n’est que de 1,5, car il faut entrer en contact proche avec une personne infectée, en particulier avec ses fluides corporels. Souvent, ce sont les soignants qui se retrouvent contaminés.

En Guinée, l’épidémie actuelle serait liée à des funérailles dans la région de Gouécké, dans le sud-est de la Guinée. Pourquoi les funérailles peuvent représenter un risque particulier ?

On avait déjà pointé du doigt ce phénomène lors de l’épidémie qui s’est propagée entre 2013 et 2016 en Afrique de l’Ouest. Culturellement, c’est très important d’assister aux funérailles d’un membre de la communauté et d’entrer en contact avec son corps. Or les corps sont beaucoup plus contagieux qu’une personne qui vient d’attraper la maladie, car la charge virale a eu le temps de se développer.

Cependant, nous sommes mieux préparés qu’il y a cinq ans. Il y a désormais un savoir-faire, des connaissances autour de cette maladie et des messages de prévention. Autre élément pour éviter que les funérailles ne deviennent des lieux de contamination : les enterrements “dignes et sécurisés”. Quand il y a un décès suspect, le corps est placé dans un sac hermétique et la mise en terre est réalisée par une équipe spécialisée.

Comment s’organise la riposte des autorités ?

En RDC, c’est la douzième épidémie d’Ebola. Donc les autorités connaissent très bien la maladie et savent comment monter une réponse. C’est au Congo que le professeur Jean-Jacques Muyembe a découvert Ebola en 1976 et aujourd’hui, il fait partie de l’équipe chargée d’organiser la riposte.

Donc, la RDC a beaucoup d’expérience pour éteindre la transmission : la surveillance des cas, le suivi des contacts lors des derniers 21 jours, la vaccination que l’on avait pas il y a cinq ans. Autre nouveauté, nous disposons aujourd’hui de médicaments : des anticorps monoclonaux qui réduisent la mortalité chez les patients atteints d’Ebola, surtout s’ils sont administrés précocement.

La Guinée est aussi bien préparée. Il y a eu beaucoup de transfert de compétences entre Guinéens et Congolais et ils ont l’expérience de 2015. Ils devront adapter leur approche en essayant de décentraliser la prise en charge des patients avec la mise en place de centre locaux et en intégrant à leur réponse les anticorps monoclonaux et les vaccins qui permettront d’éviter la contamination des soignants.

Un vol humanitaire devrait arriver en Guinée le week-end prochain avec 11 000 doses de vaccin. Est-ce que l’on dispose de suffisamment de doses 

Il existe deux vaccins : celui de Johnson and Johnson, un vaccin à deux doses qui impose un suivi du patient, et celui de Merck avec une chaîne du froid contraignante comparable à celle du vaccin de Pfizer contre le Covid. Dans les deux cas, il y a des défis à relever. Logistiquement, cela va poser des difficultés pour atteindre les populations du sud-est de la Guinée, mais on a vu au Kivu [région située à l’est de la RDC en proie à des conflits armés] que cela était possible.

La situation n’est pas confortable, mais nous disposons de suffisamment de doses pour commencer la campagne avant une possible montée en puissance pour produire plus de doses.

L’Afrique est aussi confrontée à la pandémie de Covid-19. Est-ce que cela peut compliquer la réponse à Ebola ?

Oui bien sûr, par exemple l’année dernière a eu lieu la plus grande épidémie de rougeole au Tchad, en Centrafrique et en RDC. Pourtant, on en a très peu parlé, car tout le monde était focalisé sur le Covid-19.

Traditionnellement, les épidémies d’Ebola ont aussi pour effet de “casser” le système de santé. Tout est bouleversé pour organiser la réponse à l’épidémie. Les patients évitent de se soigner par crainte de la maladie. C’est la même chose avec le Covid qui réduit le nombre de vaccinations de routine. Cette situation peut donc créer d’autres problèmes et affaiblir des systèmes de santé déjà fragiles.

FRANCE24

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