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Joe Biden reconnaît le génocide arménien, colère de la Turquie

Joe Biden a reconnu samedi  24 avril le génocide arménien, devenant le premier président des États-Unis à qualifier ainsi la mort d’un million et demi d’Arméniens massacrés par l’Empire ottoman en 1915.  Son homologue turc Recep Tayyip Erdogan a immédiatement réagi en dénonçant « la politisation par des tiers » de ce débat.

« Les Américains honorent tous les Arméniens qui ont péri dans le génocide qui a commencé il y a 106 ans aujourd’hui », a écrit Joe Biden dans un communiqué. « Nous affirmons l’histoire. Nous ne faisons pas cela pour accabler quiconque, mais pour nous assurer que ce qui s’est passé ne se répète jamais », a-t-il ajouté.

Le président démocrate, qui avait promis durant sa campagne électorale de prendre l’initiative sur ce dossier, a informé vendredi de sa décision son homologue turc lors d’une conversation téléphonique. Les deux dirigeants ont convenu de se rencontrer en juin en marge du sommet de l’Otan à Bruxelles.

Au téléphone avec le président turc, le locataire de la Maison Blanche a exprimé sa volonté de bâtir une « relation bilatérale constructive », selon le bref compte rendu américain qui évoque la nécessité d’une « gestion efficace des désaccords ».

Avant d’annoncer cette qualification officielle de génocide, Joe Biden a ainsi appelé le président Erdogan en amont pour déminer le terrain. Les relations entre les deux hommes n’étaient déjà pas au beau fixe, Joe Biden ayant dénoncé le retrait de la Turquie de la convention d’Istanbul contre la violence à l’égard des femmes, rapporte notre correspondante à New York, Carrie Nooten. Mais c’est au sommet bilatéral de l’OTAN, qui sera présidé conjointement par les deux présidents, dans un petit peu plus d’un mois, en juin prochain, que l’on pourra mesurer les vraies répercussions de l’annonce de Joe Biden.

« Honorer les victimes »

Il s’agit « d’honorer les victimes, pas d’accabler qui que ce soit », a insisté une responsable américaine, sous couvert de l’anonymat. « Nous continuons de considérer la Turquie comme un allié crucial au sein de l’Otan », a-t-elle ajouté.

Sans citer les États-Unis, le président turc avait dès jeudi adressé une mise en garde à peine voilée à Washington. Lors d’une réunion avec des conseillers, il a prévenu qu’il continuerait à « défendre la vérité contre ceux qui soutiennent le mensonge du soi-disant “génocide arménien” (…) à des fins politiques ».

Le génocide arménien est reconnu par plus d’une vingtaine de pays et de nombreux historiens, mais il est vigoureusement contesté par la Turquie.

Malgré des années de pressions de la communauté arménienne aux États-Unis, aucun président américain ne s’était jusqu’ici risqué à fâcher Ankara. Le Congrès américain a reconnu le génocide  arménien en décembre 2019 lors d’un vote symbolique, mais le président Donald Trump, qui entretenait d’assez bonnes relations avec Recep Tayyip Erdogan, avait refusé d’utiliser le mot, parlant seulement d’« une des pires atrocités de masse du 20e siècle ».

Les Arméniens estiment qu’un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l’Empire ottoman, alors allié à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie. Ils commémorent ce génocide chaque année le 24 avril. La Turquie, issue du démantèlement de l’empire en 1920, reconnaît des massacres, mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d’une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.

Ce samedi, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a de son côté salué la décision historique de Joe Biden. M. Pachinian a remercié le président américain dans un message sur Facebook pour cette « mesure très forte envers la justice et la vérité historique » et qui offre un « soutien inestimable aux descendants des victimes du génocide arménien ».

« Nous ne devons jamais oublier ni rester silencieux sur cette horrible et systématique campagne d’extermination », avait souligné Joe Biden durant sa campagne. « Si nous ne reconnaissons pas pleinement le génocide, si nous ne le commémorons pas, si nous ne l’enseignons pas, les mots “plus jamais” ne veulent plus rien dire », avait-il ajouté.

L’annonce de M. Biden n’aura pas de portée légale, mais elle ne peut qu’aggraver les tensions avec une Turquie que le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a qualifiée de « soi-disant partenaire stratégique » qui « par de nombreux aspects ne se comporte pas comme un allié ».

Le président démocrate assure vouloir mettre la défense des droits humains au cœur de sa politique étrangère. Son gouvernement a confirmé l’accusation de « génocide » formulée dans les derniers jours de la présidence de Donald Trump contre la Chine pour la répression des musulmans ouïghours.

En Turquie, des réactions indignées

« Mensonge », « scandale historique », « opportunisme politique », quand Joe Biden a employé le terme de génocide arménien, c’est peu dire que la classe politique turque s’est immédiatement indignée de cette décision. Le président Erdogan a parlé d’une déclaration « instrumentalisée par des lobbys » quand son ministre des Affaires étrangères a martelé que la Turquie n’avait de leçon « à recevoir de personne sur son histoire ». Sur les plateaux de télévision, les experts ont commenté la décision pendant des heures, n’hésitant pas à rappeler l’attitude des États-Unis pendant leur guerre civile, qui pourrait elle aussi s’apparenter à un génocide. Car le mot est tabou. En Turquie, on préfère parler de « massacre mutuel », et le nombre de victimes est minimisé. D’ailleurs, plusieurs responsables politiques n’ont pas hésité à publier sur Twitter un hommage aux diplomates turcs morts, tués par des Arméniens en 1915. Cela fait plusieurs mois que les relations entre les États-Unis et la Turquie sont tendues. Cette décision pourrait davantage les envenimer.

RFI

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