Un parfum de scandale plane sur les turbines de la centrale à charbon de Sendou, et cette fois, ce n’est pas la poussière de charbon qui brouille les pistes, mais une épaisse fumée d’irrégularités financières et de guerre de gouvernance. Selon Libération, la société suédoise Nordic Power Ab, actionnaire majoritaire de la Compagnie d’Électricité du Sénégal (CES), a saisi le tribunal de commerce pour obtenir la lumière sur une créance faramineuse de 30,097 milliards de francs CFA qu’elle juge… fictive.
Des origines prometteuses, une centrale controversée
Tout avait pourtant bien commencé. À la suite d’un appel d’offres international lancé par Senelec, la société Nykomb Synergetics Development Ab (pilotée par le suédois Norland Suzor) était sélectionnée pour concevoir, financer, construire et exploiter une centrale thermique de 250 MW à Sendou, en mode BOO (Build, Own, Operate).
Pour porter ce projet, Norland Suzor crée en décembre 2007 une société ad hoc : la Compagnie d’Électricité du Sénégal (CES). Financement bouclé : 206,4 millions d’euros, répartis entre fonds propres et prêts issus de bailleurs internationaux tels que la BAD, la BOAD et FMO.
Une direction renversée, une dette surgie de nulle part
Mais derrière cette façade énergétique se cache un feuilleton financier à rebondissements. En 2021, alors que la CES est placée en redressement judiciaire, une lutte d’influence éclate autour de la direction de la société.
Selon Libération, alors que l’assemblée générale mixte convoquée par l’administratrice Hiba Sabbagh devait se tenir le 14 juin 2021, des représentants de Sendou Nordic Power Limited (SNPL) et du Barak Fund, actionnaires indirects à travers Nordic Power Ab, organisent leur propre assemblée parallèle le 28 mai 2021. Ils y nomment un nouveau directeur, Malick Seck, en remplacement de Hiba Sabbagh.
Nordic Power Ab conteste vigoureusement cette désignation qu’elle qualifie d’illégale et estime que toutes les décisions prises depuis par CES favorisent exclusivement les intérêts de SNPL/Barak.
Une créance aux contours flous
Au cœur de la discorde : une créance déclarée de 30 097 260 742 FCFA en faveur de SNPL/Barak. Une somme qui, selon Nordic Power Ab, repose sur des fondements douteux, voire inexistants.
Dans sa requête judiciaire, Nordic Power Ab accuse la nouvelle direction de CES et ses partenaires d’avoir admis une dette fictive, construite sur des prêts qui n’ont jamais été octroyés à CES mais à d’autres entités du projet : notamment Quantum Power International Holdings et Nordic Power elle-même.
Plus grave encore, la société suédoise dénonce l’inclusion de fonds jamais reçus par CES dans les comptes de la dette :
• 2 milliards FCFA (environ 3 millions d’euros) du prêt Quantum Power,
• 1,3 milliard FCFA (près de 2 millions d’euros) du prêt Nordic Power,
soit plus de 3 milliards FCFA ajoutés sans justification claire, selon ses avocats.
Nordic Power Ab demande une expertise indépendante
Face à ce qu’elle considère comme un enrichissement sans cause orchestré par des intérêts privés, Nordic Power Ab réclame une expertise comptable judiciaire. Elle souhaite que le tribunal de commerce fasse toute la lumière sur la réalité de cette prétendue créance, qui pourrait selon elle fausser gravement le processus de redressement de la CES.
DAKARACTU