Education et formations

Education en Afrique : le modèle a craqué ; il faut le repenser !

Didier Acouetey est président d’Africsearch, premier cabinet de recrutement des talents d’Afrique et de la diaspora.

L’ensemble des études montre que le manque d’éducation et l’inadéquation des compétences sont les principaux obstacles que rencontrent les jeunes sur le marché du travail en général. L’Afrique n’échappe pas à cette réalité. Ceci est démontré notamment par le taux élevé de vacance de postes dans certains pays, en présence d’un chômage massif ; ce qui confirme l’existence d’un décalage entre l’offre et la demande de qualifications.

Ce chômage est amplifié par le nombre croissant de jeunes africains qui arrivent sur le marché de l’éducation chaque année, avec des Etats qui peinent à apporter des réponses satisfaisantes à cet enjeu majeur des temps modernes. Le pire est probablement devant nous, si des réformes intelligentes et des investissements massifs ne sont effectués, car selon les statistiques, en 2050, ¼ de la population mondiale en âge de travailler sera en Afrique, et en 2100 presque la moitié de la jeunesse mondiale sera africaine.

Le secteur privé a compris cet enjeu majeur pour les Etats et les sociétés africaines, et a parfaitement saisi l’opportunité économique que cela représentait. Ainsi sont apparus de nouveaux entrepreneurs, avec des succès divers, qui ont investi le secteur de l’éducation depuis ces 20 dernières années. Le phénomène s’est accéléré au fil du temps, couvrant au départ l’enseignement supérieur, et se diversifiant dorénavant dans les cycles secondaires et primaires. Ainsi, dans de nombreux pays, le secteur privé de l’éducation supérieur représente désormais 20% à 30% de la population estudiantine de l’enseignement supérieur.

L’exemple du Sénégal a été, à ce titre, assez édifiant puisque le secteur privé de l’éducation supérieure qui est né au milieu des années 90, accueille aujourd’hui 25% à 30% de la population estudiantine. Une école comme l’Institut Supérieur de Management (ISM) de Dakar a fait preuve de pionnier et de modèle en la matière et son succès est révélateur des changements que va connaître le système éducatif en Afrique.

Cependant, l’ISM et les écoles de même rang dans d’autres pays en Afrique constituent malheureusement une minorité car le marché est bien souvent rempli de marchands d’illusions dont la qualité pédagogique, le niveau des enseignants, les infrastructures sont très médiocres.

Il est temps de réinventer l’école en Afrique dans un monde en pleine mutation qui connaît des cycles de changement de plus en plus rapides.

Avec 80% des emplois de 2030 qui n’existent pas aujourd’hui selon une étude de la société américaine Dell et le think tank « L’Institut pour le futur », et un autre rapport du World Economic Forum qui indique que personne ne connait 30% des compétences qui seront utiles dans les 10 années qui viennent, il apparaît de toute évidence que c’est une véritable révolution qui devra s’opérer en matière d’éducation et de formation. Avec ces changements rapides, beaucoup de métiers disparaitront et l’enjeu sera de former les jeunes et les moins jeunes aux métiers qu’ils ne soupçonnent pas aujourd’hui mais qu’ils seront capables d’appréhender et de s’y adapter. Le savoir et l’immatériel, la technologie, la créativité, la collaboration, la créativité et la complexité seront autant de facteurs qui influenceront fortement l’évolution de nos sociétés selon plusieurs chercheurs. Il appartiendra d’enseigner aux jeunes aujourd’hui les « savoirs » de demain afin d’éviter que leur éducation ne devienne obsolète dès la fin de leur cursus scolaire. L’école de demain, comme le rappelle le Pr. Dia dans son ouvrage collectif intitulé « L’école du futur », sera une école à la carte, avec la notion que chaque apprenant est différent et que son cursus doit être singulier avec des séquences pédagogiques. L’apprentissage en ligne sera rendu également disponible pour une panoplie de métiers et pour l’acquisition de compétences multiples et rapides afin de s’adapter à l’évolution des métiers et aux changements de l’environnement. Cette école sera hybride mêlant présentiel et distanciel avec un aller-retour permanent entre l’univers académique et le monde professionnel. L’école devra doter, par ailleurs, les jeunes Africains de plusieurs qualités essentielles pour survivre dans le monde à venir, et avoir une chance de trouver un emploi. Parmi ces qualités figurent la capacité à résoudre les problèmes complexes, la pensée critique, l’adaptabilité, la créativité, le people management, le leadership, la coordination avec les autres, l’intelligence émotionnelle, la capacité de jugement, la prise de décision, le sens de l’initiative, la persistance, la curiosité, le sens de la communication, la conscience sociale, l’esprit collaboratif. Cela fait beaucoup sans doute, mais ces qualités sont à l’image d’un monde en mutation rapide. Le concept « d’adéquation Formation-Emploi » sera presque rendu obsolète également dans ce contexte nouveau, compte tenu de l’évolution rapide des métiers et des ruptures technologiques qui modifient certains modèles économiques.

Pour les millions de jeunes déjà sur le marché et ceux qui y arriveront, il est impératif de renforcer leurs compétences techniques et professionnelles au quotidien, pour augmenter leurs chances d’insertion sur le marché du travail. Ces compétences peuvent être acquises dans des établissements structurés et spécialisés, ou par l’expérience pratique en cours d’emploi, ou encore par les deux, à travers des systèmes de formation en alternance. C’est l’occasion de rappeler que dans le secteur informel urbain en Afrique de l’Ouest, l’apprentissage dans de petites entreprises et la formation en cours d’emploi représente plus de 90 % de la formation des jeunes travailleurs (Nordman et Pasquier-Doumer, 2011). Il est par conséquent impératif de créer davantage de centres de formation professionnelle, dotés dans le même temps de technologies récentes où l’on allie la modernité de l’enseignement aux « soft skills » qui seront plus qu’indispensables pour survivre dans le monde de demain, qui est déjà bien présent.

C’est un défi pour l’ensemble de la société africaine où désormais l’Etat et le secteur privé ne forment plus qu’un pour éviter la bombe à retardement que constitue la faillite du système éducatif. Heureusement, dans le même temps, grâce aux technologies, les jeunes africains entreprennent dans tous les domaines pour fonder les Apple, les Facebook, les Uber, les RB&B, les Alibaba de demain,… qui seront africains.

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