Politique

LA SANCTION DANS LES RELATIONS INTERNATIONALES

Les relations internationales diffèrent à bien des égards des relations internes ou étatiques. Si les premières sont principalement marquées par une certaine anarchie faisant parfois assimiler la société internationale à un état de nature, les secondes, par contre, sont le plus souvent mieux harmonisées et plus stables. Ces différences entre la régulation des rapports internes et celle des rapports internationaux sont intrinsèquement liées au régime juridique respectivement applicable à la société étatique et à la scène internationale. Bien qu’une telle différence n’induise pas ipso facto l’inexistence d’une sanction dans les relations internationales, elle peut influer sur la qualité de la coercition attachée à la violation des règles qui gouvernent l’extérieur c’est-à-dire  « les rapports qui échappent à une domination d’un pouvoir politique unique » pour reprendre les termes de Michel Virally. A ce niveau, il est opportun de se poser la question suivante : la sanction appliquée dans les relations internationales est-elle réellement efficace ?

Dans les relations internationales, la sanction revêt une particularité significative. Des acteurs internationaux font recours à des politiques de contrainte et, L’opinion publique internationale, de son côté, assure une sanction sous forme de pression

Le recours aux politiques de contrainte dans les relations internationales semblent justifier la possibilité de se faire justice ; d’où l’idée de justice privée. Celle-ci  suppose une sanction infligée unilatéralement. Elle est sérieusement encadrée par la Charte des Nations Unies dans le but de limiter ses exagérations en son article 2 : « les membres de l’Organisation, s’abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force ». Ainsi, les politiques de contrainte ne doivent en aucune manière être la manifestation illicite de la force. Elles consistent essentiellement en des représailles et en des mesures de rétorsion.

Les représailles sont définies par l’Institut du Droit International comme des « mesures de contrainte dérogatoires aux règles ordinaires du droit des gens, prises par un Etat, à la suite d’actes illicites commis à son préjudice par un autre Etat et ayant pour but d’imposer à celui-ci, au moyen d’un dommage, le respect du droit ». Elles sont, à cet effet, des sanctions licites du fait qu’elles répondent à un acte illicite antérieur. En 2018, le bras de fer entre Washington et Téhéran qui s’est manifesté par le retrait des Etats-Unis à l’accord iranien pour la simple raison que Téhéran développait secrètement des armes nucléaires, peut être qualifié de représailles d’autant plus que le retrait américain a été suivi de sanctions économiques contre l’Iran.

Les mesures de rétorsion sont, quant à elles, une réaction d’un acteur international à des actes légaux mais contraires aux principes amicaux. La réaction de l’Union européenne contre la volonté américaine d’augmenter les taxes sur l’acier et l’uranium européens, par des mesures défensives compensatrices, suffisent à titre d’exemple.

Ces politiques de contrainte ont l’avantage de favoriser un règlement pacifique des conflits internationaux. Elles sont des sanctions dissuasives parce que pouvant contraindre l’Etat contrevenant à renoncer à sa position sans qu’il ait recours à la force.

Avec la mondialisation, les flux d’informations se sont généralisés. Le développement des technologies de l’informatique et de la communication ont permis à chaque individu d’être au parfum de la vie internationale. Les médias, les Organisations non gouvernementales et les différentes organisations de la société civile internationale exercent des sanctions qui se matérialisent sous forme de fortes pressions pour influencer le comportement des acteurs de la vie internationale. Les acteurs dont les attitudes contreviennent aux règles du jeu international ont l’image ternie et subissent des campagnes de diabolisation de la part de l’opinion publique internationale. Il en est ainsi de l’Arabie saoudite. A la suite de l’affaire khashoggi, des contestations citoyennes s’opposaient à la venue du Prince héritier Mouhamed Ben Salmane sur le territoire tunisien et accusaient le royaume saoudien d’être à l’origine de graves violations des droits et libertés au Yémen.

L’opinion publique internationale assure donc une fonction de contrepoids dans les relations internationales grâce à la pression qu’elle exerce. Cette forme de sanction oblige au respect des normes internationales auxquelles les sujets des relations internationales doivent se conformer sous peine d’avoir une mauvaise réputation sur la scène internationale.

Il découle de ce qui précède qu’il existe des moyens spécifiques pour sanctionner les violations dans les relations internationales. Même si ces sanctions équilibrent les relations internationales, elles présentent des insuffisances notoires.

Les sanctions dans les relations internationales restent souvent inefficaces. Cette inefficacité se manifeste par une absence d’une autorité supérieure doublée de l’étroitesse de la compétence des juridictions internationales.

La société internationale connait des sujets multiples. Parmi les plus influents, on compte les États. Ceux-ci disposent tous d’une souveraineté internationale qui les protège contre l’ingérence dans les affaires intérieures. Ils restent tous égaux et aucune règle internationale ne leur est opposable sans qu’ils n’y consentissent. A ce titre, les relations internationales souffrent d’une institution investie d’un pouvoir d’édiction et de sanction qui lie tous les acteurs internationaux. C’est dans ce sens qu’Alfred Chrétien prétend dans son ouvrage intitulé Principes de droit international public : « une sanction suppose une autorité supérieure munie de la force nécessaire pour restaurer le droit violé et rétablir l’ordre juridique compromis. Cette autorité supérieure aux sujets soumis aux droit international n’existe pas ». Cette assertion met en évidence le défaut d’un gendarme international apte à infliger des sanctions aux différents acteurs des relations internationales. Les Nations unies elles-mêmes peinent à assurer cette fonction du fait que tous les États ne sont pas membres à son organisation.

Les juridictions internationales ne sont pas obligatoires. Elles agissent sur la base du principe de complémentarité. Autrement dit, leurs compétences ne sont avérées que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas juger des violations de l’ordre international. Cette imperfection des juridictions internationales affecte l’effectivité de la       sanction dans les relations internationales dans la mesure où elle compromet la légitimité des institutions judiciaires internationales. C’est le cas notamment de la cour pénale internationale qui ne s’intéresse à sanctionner les violations commises dans le cadre des relations internationales que si les pays en question peinent à les juger.

D’autre part, la sanction des relations internationales restent inefficaces en ce sens la plupart des juridictions internationales ont des compétences réduites. Elles sont spécialisées dans des affaires précises dont leur jugement définitif emporte l’extinction de la juridiction. C’est dans cet ordre d’idées que s’inscrivent les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises chargées de juger les violations des conventions internationales ratifiées par le Tchad et commises sur ce territoire entre 1982 et 1990.

Moussa Fall

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