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Au Mali, les négociations entre la junte et les médiateurs achoppent sur la transition

Après trois jours d’âpres discussions, les militaires maliens et les émissaires de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), arrivés samedi 22 août à Bamako pour « rétablir l’ordre constitutionnel », se sont mis d’accord sur un point. Le président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », arrêté le 18 août, pourra « aller se soigner dans l’endroit qu’il veut et quand il veut », a annoncé lundi 24 août le colonel-major Ismaël Wagué.

D’après le porte-parole des militaires, la junte, connue sous le nom de Comité national pour le salut du peuple (CNSP), est favorable à ce que « ses conditions de sécurisation soient allégées et qu’il puisse être sécurisé dans un endroit de son choix ». La Cédéao « a garanti son retour en cas de besoin, ce n’est donc pas un problème ». En d’autres termes, le président déchu est libre de rentrer chez lui ou de se faire soigner à l’étranger s’il le souhaite.

Dans l’immédiat, les autres hauts fonctionnaires en détention et l’ancien premier ministre Boubou Cissé, arrêté au même moment que l’ex-chef de l’Etat, ne pourront pas bénéficier des mêmes conditions d’élargissement. Selon Ismaël Wagué, « l’état actuel de la situation nécessite qu’ils soient sécurisés et leur relaxe dépendra de l’évolution des choses ».

Un retour au pouvoir d’« IBK » exclu

Après trois jours de rencontres et de discussions, les négociations entre les militaires et la commission de médiation de la Cédéao, emmenée par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, achoppent en effet toujours sur les modalités de la transition politique. Une seule chose est certaine : le rétablissement d’Ibrahim Boubacar Keïta dans ses fonctions, réclamé par la Cédéao, semble désormais exclu. L’intéressé a assuré aux envoyés qu’il ne « voulait plus jamais retourner au pouvoir » et « qu’il avait démissionné de façon volontaire, sans pression », a déclaré le porte-parole des militaires. Des propos confirmés par Goodluck Jonathan.

Ce dernier doit remettre ses conclusions aux chefs d’Etat ouest-africains dans les jours qui viennent. Ces derniers devront se prononcer sur l’allègement ou non des mesures prises après le coup d’Etat, mais la réunion prévue mercredi 26 août a finalement été reportée, selon RFI.

Les sanctions, toujours en vigueur, prévoient la fermeture des frontières des Etats voisins du Mali membres de la Cédéao et l’arrêt de tous les flux financiers et commerciaux, à l’exception des produits de première nécessité ou de lutte contre le Covid-19. Une situation qui pèse sur le quotidien des nombreux Maliens qui vivent grâce aux transferts de fonds. Selon la Banque mondiale, ces transferts monétaires représentent plus de 1 milliard de dollars soit près de 7 % du PIB malien. Un calcul qui ne prend pas en compte les transferts clandestins avec lesquels cette manne dépasse largement les 10 %.

Pour convaincre l’organisation ouest-africaine de lever l’embargo, la junte a invoqué les efforts de « compromis » qu’elle a consentis. Mais « il faudra attendre la conférence des chefs d’Etat de mercredi » pour savoir si ce sera suffisant, affirme un médiateur. Les émissaires, ajoute-t-il, « n’avaient pas de pouvoir de décision ». La mise en place d’une « transition politique civile », amenant à des élections crédibles « dans les plus brefs délais », selon les mots des putschistes, pourrait donc venir plus tard que prévue.

« Rien n’a été décidé »

Sous quelle forme ? La durée de la transition et qui, civil ou militaire, dirigera le pays pendant celle-ci, opposent les négociateurs. « Des discussions ont eu lieu sur le modèle à suivre, certains évoquaient le Burkina Faso quand d’autres préféraient le Niger – qui ont respectivement vécu des coups d’Etat en 2015 et 2010 contre les présidents Blaise Compaoré et Mamadou Tandja , c’est un échange de point de vue », explique le médiateur. « Rien n’a été décidé, confirme le colonel-major Wagué, mais son architecture finale devra être décidée entre nous et toute décision relative à la taille de la transition, au président de transition, à la formation du gouvernement, se fera entre Maliens. »

Car, outre les va-et-vient des négociations et discussions dans lesquelles sont engagés les membres du CNSP, ces derniers devront intégrer toutes les parties prenantes à la société civile et politique malienne avant d’esquisser les premières lignes d’une feuille de route. « Et il faut leur laisser le temps pour cela, il y a un temps de structuration en interne puis un temps d’intégration », observe le médiateur.

Le pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta était en effet contesté depuis trois mois par une coalition hétéroclite rassemblée sous la bannière du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Les manifestations, dont certaines se sont soldées par des morts lors du week-end du 10 juillet, réclamaient en bloc la démission du chef de l’Etat et de son gouvernement. Une mobilisation parachevée par l’action des militaires la semaine dernière, saluée par la population.

Pour mener à bien la transition, la junte devra également se rapprocher des anciens groupes rebelles du Nord, avec qui le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta avait posé les jalons du processus de paix acté par l’accord d’Alger en 2015. Si aucune communication officielle n’a été faite à ce sujet, une source au sein de ces groupes affirme que les soldats du CNSP « rencontreront les mouvements le moment venu ».

Avec LeMonde.fr

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