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Afrique du Sud: qui est Wouter Basson, le «docteur La Mort»?

Un important groupe hospitalier sud-africain est au cœur d’une polémique après avoir confirmé que le Dr Wouter Basson officiait dans deux de ses cliniques. Celui que l’on surnomme « docteur La Mort », a eu un rôle sinistre lors du régime de l’apartheid. Portrait.

Dans les années 1970, Wouter Basson est interne à l’hôpital de Pretoria, où il développe un intérêt pour les « pathogènes mortels » –ces agents virus, microbes- capables d’engendrer des lésions ou de causer des maladies. Dans la foulée, il est appelé par l’armée sud-africaine, devient médecin militaire et étudie la physiologie et la chimie physiologique.

C’est en 1981, alors qu’il est le médecin personnel de Pieter Botha président du régime d’apartheid, que Wouter Basson est nommé chef du « Project Coast », un programme chargé de développer des armes bactériologiques et chimiques. À l’époque l’État sud-africain se bat contre le mouvement anti-apartheid de l’ANC, et présente son projet top secret comme un « programme défensif » contre une guérilla marxiste.

Impliqué dans plusieurs assassinats

Basson est chargé de mettre au point des armes chimiques pour mettre hors d’état de nuire les militants anti-apartheid, présentés comme des terroristes. Il est ainsi impliqué dans plusieurs assassinats, ou tentatives d’assassinat, comme celle contre le révérend Frank Chikane -à l’époque secrétaire général du Conseil des églises sud-africaines- et dont les caleçons avaient été imprégnés de Paraoxone, un produit chimique utilisé pour fabriquer des insecticides.

Mais les recherches de Wouter Basson vont bien plus loin, comme le révèlera par la suite la Commission vérité et réconciliation mise sur pied par le premier gouvernement noir Nelson Mandela. La Commission y apprend que les recherches du Dr Basson ont également pour but d’endiguer la démographie de la population noire, en développant par exemple des vaccins pour tenter de stériliser les femmes noires, des cigarettes à l’anthrax ou encore des venins et poisons dissimulés dans divers objets du quotidien.

Fin de l’apartheid, Basson se lance dans le trafic de drogue

En 1990, le nouveau président Frederik de Klerk fait arrêter la production d’agents chimiques et ordonne leur destruction. Le docteur Basson se concentre alors sur la production d’agents non interdits par le gouvernement. Par l’intermédiaire de sociétés-écran, le programme qu’il dirige est à la tête d’un important trafic de drogue : LSD, cocaïne, ecstasy ou mandrax, des substances qui doivent être utilisées avec des gaz lacrymogènes pour « anesthésier » les émeutiers.

Entre 1993 et 1995, le médecin s’est également rendu à plusieurs reprises en Libye où il est suspecté avoir vendu des armes secrètes chimiques et bactériologiques. Il est finalement arrêté en 1997 avec sur lui d’importantes quantités d’ecstasy.

Basson nie toute accusation

Après la chute du régime d’apartheid, Wouter Basson refuse de coopérer avec la Commission vérité et réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes commis sous le régime de ségrégation et permettre la réconciliation entre les bourreaux et leurs victimes en échange d’une éventuelle amnistie. C’est cette Commission qui avait révélé au grand public l’existence du programme secret « Project Coast ».

S’ouvre alors son procès devant la Haute Cour de Pretoria, en octobre 1999. Plusieurs dizaines de chefs d’inculpation sont retenues contre lui, incluant possession de drogues, trafic de drogue, fraude, meurtres et conspiration de meurtres et vol. Wouter Basson nie en bloc. Et au terme de 30 mois d’un procès éprouvant, au cours duquel le médecin n’a montré aucun remord, il est finalement acquitté par le juge Willie Hartzenberg qui lui accorde l’amnistie. Trois ans plus tard, il reprend son activité de médecin.

Retraité de l’armée

Mais onze ans plus tard, en 2013, après sept ans d’enquête, l’Ordre des médecins l’a finalement reconnu coupable de violation de l’éthique médicale, sans pour autant le radier de la profession. Retraité de l’armée, il a continué d’exercer sa profession de cardiologue dans un cabinet privé de la ville du Cap et de donner des conférences dans différentes universités. D’ailleurs en 2015, des étudiants en médecine de l’université de Stellenbosch, dans le Sud-Ouest du pays, s’étaient insurgés qu’il soit autorisé à enseigner dans la prestigieuse université.

Aujourd’hui, il refait surface. La semaine dernière de nombreux Sud-Africains ont été scandalisés d’apprendre que le Dr Basson, cardiologue de 70 ans, figurait sur la liste des spécialistes exerçant dans deux hôpitaux privés du groupe Mediclinic en Afrique du Sud. Interpellé sur les réseaux sociaux, le groupe hospitalier a fait valoir qu’il ne pouvait interdire à un médecin, « y compris le docteur Basson, d’exercer, à moins qu’une loi ne l’en empêche ».

avec RFI

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