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Turquie: la tension monte entre l’AKP, parti d’Erdogan, et la mairie d’Istanbul

Les frictions s’intensifient entre le gouvernement dirigé depuis 19 ans par le Parti de la justice et du développement, l’AKP du président Recep Tayyip Erdogan, et la municipalité d’Istanbul, conquise par l’opposition en juin 2019. Des policiers et des employés municipaux en sont venus aux mains cette semaine.

Au départ, il s’agit d’un conflit juridique sur l’usage d’un bien qui appartient à la mairie d’Istanbul. En l’occurrence, le premier étage d’un embarcadère situé sur l’île de Büyükada, en mer de Marmara. En 2018, à l’époque où l’AKP dirigeait encore la mairie, cette dernière avait loué l’étage à la Fondation de jeunesse de Turquie (TÜGVA), pour une durée de dix ans. Quand l’opposition est arrivée à la tête de la mairie, en 2019, elle s’est mise à examiner tous les protocoles, tous les contrats passés entre la précédente équipe et des fondations proches du pouvoir, dont fait partie TÜGVA, puisque le fils du président Erdogan siège au conseil d’administration.

Selon la mairie, non seulement cette fondation loue l’étage de l’embarcadère pour une bouchée de pain (environ 250 euros), mais elle sous-loue cet espace pour l’organisation d’événements privés. La mairie s’est donc tournée vers la justice pour demander l’annulation du contrat et a fini par l’obtenir, ainsi qu’un ordre d’expulsion. L’affaire a tourné à la bousculade quand des équipes municipales ont tenté, en début de semaine, de mettre en œuvre cette décision. La police est intervenue pour défendre les membres de la fondation qui refusaient de quitter les lieux. Dans la confusion générale, des coups ont été échangés.

Réseaux clientélistes

Cet incident est révélateur des luttes de pouvoir entre le gouvernement et la mairie d’Istanbul, dirigée par Ekrem Imamoglu. Ce dernier, quasiment inconnu auparavant, est devenu en deux ans et demi une figure très populaire au sein de l’opposition – à tel point que certains lui prêtent un destin présidentiel. L’incident illustre non seulement comment la mairie d’Istanbul, qui gère une métropole de 16 millions d’habitants, tente de perturber les réseaux d’influence et les réseaux clientélistes du pouvoir au niveau local, mais aussi comment le pouvoir résiste à ces efforts et essaye, pour sa part, de limiter au maximum les sources de financement de la mairie.

Un exemple parmi tant d’autres : l’an dernier, le gouvernement a transféré au ministère de la Culture et du Tourisme la gestion de la tour de Galata, un symbole d’Istanbul, privant la municipalité d’une source importante de revenus.

Le spectre d’élections contestées

Les enjeux politiques de cette bataille sont de plus en plus importants à mesure qu’on approche des élections législatives et présidentielle, qui auront lieu au plus tard en juin 2023. Les images de la bousculade à l’embarcadère de Büyükada ont poussé beaucoup d’opposants à se demander, une fois de plus, comment le pouvoir réagirait s’il perdait les élections.

Cette question se pose d’autant plus que tout le monde a encore en tête les municipales de mars 2019, celles qui avaient mené le pouvoir à la perte d’Istanbul. Refusant de s’avouer vaincu et arguant d’irrégularités, le président Erdogan avait exigé l’organisation d’un second vote, que son parti avait donc perdu, avec 800 000 voix d’écart sur dix millions et demi d’électeurs.

RFI

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