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Déchéance de Mimi Touré de l’AN: violation de la loi, coup de force politique et risque de retour de bâton sur l’image de Macky à l’international

Aminata Touré a été déchue de son mandat de député, mardi, au cours d’une réunion du Bureau de l’Assemblée nationale. Un acte du pouvoir qui peut rendre très fragile, celle qui était leur alliée, devant l’IGE, si jamais Macky active une action en justice. Mais Mimi peut se prévaloir de sa large connexion à l’échelle internationale pour porter un coup fatal à l’image de Macky.

C’est en urgence que le Bureau de l’Assemblée nationale du Sénégal a été convoqué, mardi, par son Président Amadou Mame Diop. Sur une requête de l’Alliance pour la République (APR), le parti présidentiel. Dix membres du bureau ont voté pour la déchéance du mandat d’Aminata Touré,  y compris des membres de la coalition d’opposition Wallu Sénégal de l’ancien président Abdoulaye Wade, et six ont voté contre. 

Aminata Touré, longtemps proche du chef de l’État, tête de liste de la majorité pour les législatives de juillet, s’était retirée du groupe Benno Bokk Yakaar en septembre 2022 pour devenir députée non inscrite. Elle avait dénoncé le choix-inattendu du Président Macky Sall en la personne de Amadou Mame Diop (un proche de son beau-frère Mansour Faye) pour le perchoir. 

Cette déchéance précipitée de Mimi, qui a fait de l’éventuelle candidature du Président Macky Sall en 2024 son cheval de bataille, n’est-elle pas une entorse juridique ? L’article 60 de la Constitution reproduit dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale en son article 7 dit clairement : « tout député qui démissionne de son parti en cours de la législature est automatique déchu de son mandat, et remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique », invoque l’ancien  parlementaire Doudou Wade au bout du fil de PressAfrik. 

Doudou Wade invoque l’article 7 du règlement intérieur de l’AN et fait une réserve sur ce que l’Apr considère comme démission

La question qui se pose alors, de quelle démission fait allusion le bureau de l’Assemblée qui a statué sur la déchéance de Mimi ? Surtout que suivant le déroulement des faits, Aminata Touré n’a pas jusque-là prononcé une démission par écrit ou à l’oral. Doudou Wade renvoie alors au Chapitre 3, article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée qui évoque les démissions.

Ledit article stipule que :  « Tout député peut se démettre de ses fonctions. Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat (article 60 de la Constitution). En dehors de la déchéance prévue par la Constitution et des démissions d’office prévues par le Code électoral, les démissions sont adressées au Président de l’Assemblée nationale, qui en donne connaissance à la réunion plénière suivante. Hors session, le Bureau reçoit et/ou constate la démission d’un député, et installe son suppléant. Les démissions acceptées par l’Assemblée sont immédiatement notifiées au Président de la République ». 

L’expert en droit parlementaire a cependant émis, par prudence, une réserve sur ce que considère l’APR comme démission dans ses textes. Il fait remarquer que les textes qui régissent le règlement intérieur du PDS demeurent plus radicale sur la question de la démission.  « Les démissions sont différentes. Maintenant au niveau du parti c’est l’Apr qui a dit que Mimi a démissionné. Donc seule l’APR peut nous dire qu’est ce qu’il considère comme démission. Dans tout les cas, il faut un arrêté de bureau pas encore dévoilé par l’Apr à la soumission du bureau de l’Assemblée nationale pour statuer sur le cas de Mimi »

Le PDS a été plus dur sur les démissions. « Chez nous, on fait appel à une démission de droit et de fait. C’est écrit. On dit si un membre du PDS est de connivence ou en coalition avec l’adversaire, figure dans une liste concurrente ou même prendre des positions dans un pays en Afrique contre l’Union africaine, il est démissionnaire du parti ». 

Les irrégularités qui montrent que ni le règlement intérieur de l’AN ni la Constitution n’a été respecté 

Dans les “status républicains” de l’APR , l’ARTICLE 21 qui porte sur les sanctions disciplinaires du parti stipule que:  L’avertissement, – Le blâme, – La suspension de 04 (quatre) à 06 (six) mois, L’exclusion temporaire de 06 mois à 01 (un) an maximum, – L’exclusion définitive. Les sanctions sont prononcées par le Président, sur proposition du Secrétariat Exécutif National ; avec possibilité de recours auprès du Conseil National dont la décision en l’espèce est sans appel. Le Président peut être saisi d’office par les Délégations Départementales, les Délégations Extérieures, les Organismes Internes et Organismes Affiliés et, de manière indirecte, à travers le Secrétariat Exécutif National. En cas d’urgence, et sous réserve d’en informer le Conseil National, le Président peut prononcer à l’encontre d’un militant toute mesure relevant de la grille des sanctions ci- dessus énumérées. Toutes les fois qu’un militant frappé d’une sanction s’amende, sa sanction peut être annulée ou atténuée par l’instance qui l’a prononcée. »

Des irrégularités qui montrent que la Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée ont été violés. Mimi n’a reçu aucune  décision allant dans ce sens faire un recours.

Interpellé par PressAfrik, Adama Sadio Dr en Sciences politiques et enseignant chercheur indique que la disposition parle de démission de parti alors que c’est la coalition qui a conduit Mimi à l’Assemblée. Notre interlocuteur affirme d’emblée son désaccord d’avec l’ancien parlementaire Doudou Wade. Selon lui, le libéral fait partie dans le passé de ceux qui ont introduit cette disposition, devenue caduque aujourd’hui. 

« Déjà, je ne partage pas l’avis de Doudou Wade, même si je reconnais son expertise en la matière. Pour sa prise de position, il n’est pas totalement neutre. Le PDS a bien contribué à la déchéance de Mimi ». Comment ? Il s’explique  « Il faut savoir que ce parti a un contentieux avec Mimi (faisant allusion à l’affaire Karim Wade). Doudou Wade peut se justifier », indique t-il. 

“Une démission est écrite. tel n’est pas le cas dans cette affaire”

En 2009 – 2011, rappelle ce spécialiste en Sciences politiques que « c’est lui (Doudou Wade) qui était le président du Groupe parlementaire qui avait conduit à l’abattoir, voire exclure Mbaye Ndiaye et Moustapha Cissé Lo. Donc lui, en quelque sorte, sa position ne peut être considérée comme objective au vu de l’acte qu’il avait posé dans le passé ».  Donc, le PDS  en votant pour la déchéance de Mimi prétextant qu’ils sont dans leur logique « ils avaient violé la Constitution comme ça l’est aujourd’hui ». 

Il faut savoir que cette disposition à une histoire. « En 1978, le Président Abdoulaye Wade est allé aux élections législatives avec Senghor. Au sortir de ces joutes, il a eu 18 députés. Au finish, le Parti socialiste a pris un en un les députés de Abdoulaye Wade jusqu’à ce que le PDS se retrouve avec moins de 5 députés. Et il en est ainsi, tout le parcours politique de Wade, opposant, c’était comme ça. C’était ça l’esprit de la loi. Abdoulaye Wade quand il est venu au pouvoir, il a proposé aux Sénégalais, dans la Constitution de 2001, comme le dit le PR Ismaila Madior Fall, une réforme consolidant qui permettait à la démocratie sénégalaise de faire des bonds en avant. Mais là on dit un député qui démissionne de son parti politique. Qu’est-ce qu’une démission ? Elle s’écrit. Tel n’est pas le cas dans cette affaire».

Dr. Sadio rajoute que: « Ce qu’a fait Mimi Touré, ne pas partager la ligne de Parti de l’APR, et garder son mandat de député je vous rappelle que Me Babou, il fut un moment, était encore député de l’AFP et il était pratiquement du PDS. Il soutenait la politique du parti de Wade. Et il a continué à garder son mandat jusqu’à son terme.»

« Mimi n’a pas démissionné de l’APR ça c’est un fait. Plus loin, si même elle arrivait à démissionner de ce parti, il faut savoir ce n’est pas le parti qui l’a amenée à l’Assemblée. C’est la coalition Benno Bokk Yakkar. Ce qui montre les limites même de cette disposition. Celle-ci mise en position par Wade il faut aussi comprendre que c’est dépassé. Elle est devenue caduque. Parce que depuis 2000 pratiquement, les gens ne vont plus à une élection avec un parti mais plutôt avec une coalition. Alors que la disposition dit clairement parti politique et non coalition. En droit tout ce qui n’est pas explicitement dit, est permis.»

De l’avis de Dr Adama Sadio, “Macky a sciemment violé la Constitution. Parce que quand il est venu au pouvoir, il a, en quelque sorte, indemnisé Moustapha Cissé Lo et Mbaye Ndiaye. C’était pour dire qu’on avait violé le droit de ses deux. Donc une fois au pouvoir, il fallait les indemniser. Alors il a pris de l’argent publique des Sénégalais pour le donner à ces deux l’équivalent de leur salaire à partir de leur exclusion jusque la fin de la législature. L’acte que Macky a posé il faudra le comprendre ainsi. En première, il sait que Mimi n’est plus de son bord politique. En conséquence, elle ne va pas voter pour Benno à l’Assemblée.  Le fait d’écarter alors Mimi, Macky gagne un autre député qui sera pour sa cause”

Il poursuit: “Deuxièmement, je ne pense que Macky ne va pas pousser son cynisme politique jusqu’à l’emprisonner.  Mais avec Macky rien n’est exclu. On parle du rapport de L’IGE. J’en passe. Du coup, comme elle ne bénéficie plus de son immunité parlementaire, Mimi est fragilisée… Macky peut intenter une action en justice contre elle. Ce qui va politiquement alourdir le climat politique plus qu’il l’est”.

Toutefois, Dr Sadio indique que “politiquement, il faut souligner que Mimi ne constitue pas pour autant une menace pour Macky. Du point de vue de la sociologie électorale sénégalaise, Mimi ne pèse pas grande chose. Mais attention, elle a une capacité de nuisance forte. En politique, on ne compte pas les hommes, on les pèse. Les Partis de gauche PIT, AJ etc., ce sont des partis que n’ont jamais comptés sur le plan électoral mais ce sont des partis qui ont toujours pesé dans le jeu politique”. 

Dr Adama Sadio de rappeler: “Et Mimi a aussi une formation de gauche. Elle est une très forte personnalité. A l’International, elle bénéficie des connexions, participe à des séminaires. Alors elle peut faire très mal à l’image du Président Macky Sall. Autrement, à la déconstruction de l’image du Président Macky Sall à l’échelle internationale. Au niveau national aussi, Mimi est une femme. Dans cette société, combattre une femme et pire imaginer que Macky tente de l’emprisonner, ça va aussi accréditer ceux qui croient à la thèse que Macky veut réduire l’opposition à sa plus simple expression. Je pense qu’il n’osera pas  pousser le bouchon plus loin jusqu’à emprisonner Mimi. Mais avec Macky, c’est une équation à mille inconnus”.

PRESSAFRIK

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