Sociétés et traditions

Le sacrifice des femmes de Nder

Situation géographique du royaume du Walo

Le royaume s’étendait sur les deux rives du fleuve Sénégal, de Belly Ndendy (rivière Ngalanka Dimar) jusqu’à la barre de Tassinère et du fleuve à Alségou (Djolof).

Le Walo était habité par des Socés, des Peulh et des Sérères. Le Wolof est né à partir du métissage des ces différentes ethnies particulièrement du métissage Socés-Sérères.

Les principales activités économiques étaient : l’agriculture, la pêche et l’élevage. L’aristocratie s’adonnait à la guerre au pilage « le mooyal ».

Le royaume était divisé en petits états à la tête desquels se trouvaient des « kangam ». Ces états s’étendaient sur les deux rives. Le « Brack coiffait le royaume.

Le « walo-walo » d’aujourd’hui, fier de son histoire, trouve toujours du plaisir à rendre un hommage mérité en évoquant à travers des siècles leurs lointains ancêtres.

Le royaume avait de redoutables voisins de la rive gauche, les maures du Trarza. Ces derniers se caractérisaient par leur agressivité. Ils usaient toujours de la stratégie de la surprise pour piller, voler et tuer.

Les « walo-walo » trouvent toujours du plaisir à raconter les luttes et batailles incessantes que leurs ancêtres ont soutenues avec bravoure.

  • C’est dans le cadre de ces luttes contre les maures que se situe une des pages les plus émouvantes et les plus invraisemblables de l’histoire du Walo et du Sénégal, le   sacrifice des femmes de Nder « talatay Nder » ( le mardi de Nder) .

C’était un mardi.

Nder s’est réveillé comme à l’accoutumée au son des pilons et des battements rythmés des « tabalas ». Nder se préparait à passer une excellente journée d’hivernage laborieuse et digne du Walo eternel.

C’était un mardi.

Les hommes se rendaient, qui,  aux champs, aux taillis ou prenaient le chemin du poissonneux  lac de Guer. Les jours de labeur, seules les femmes restaient au village conformément aux traditions de fierté et de courage qui caractérisaient le « walo-walo ».

C’était un mardi.

Conformément au rythme immuable des jours, les femmes s’adonnaient aux travaux domestiques, qui à l’intérieur des concessions, qui autour des puits ou des greniers. Les enfants, sans se lasser, jouaient sous l’arbre à palabre

C’était un mardi.

Tout à coup, un long cri de terreur d’une femme jetant son canari d’eau, alarma le village. Les : «maures, les maures, les maures……»

Des cavaliers maures en turban, l’air farouche et sanguinaire, traversaient le lac et se dirigeaient vers NDER . Les maures du Trarza, étaient habitués à piller tous les villages à leur portée, empotant biens et objets de valeur, s’emparaient des enfants et des femmes qu’ils emmenaient comme esclaves. Que de femmes ou d’enfants ont été capturés traitreusement et emportés vers le pays maure.

Mais ce jour-là, les maures n‘étaient pas nombreux. Les hommes étaient loin mais avaient laissé leurs armes et quelques munitions au village. Les femmes courageusement organisèrent un accueil meurtrier pour ces pillards. Surpris par cette riposte inattendue, les maures battent en retraite, laissant derrière eux plusieurs morts.

Les femmes avaient compris qu’ils ne reculaient que pour mieux contre-attaquer. Leurs minutions étaient épuisées. Les hommes sont loin. Que faire alors ?

Mais avant que les femmes ne reviennent de leur émotion, les « turbanés » profilent à l’horizon. Surexcités par le désir ardent de venger leurs morts, les maures foncent droit vers le village comme un lion vers sa proie. L’atmosphère est tragique et le désespoir gagne les femmes.

En ce moment grave et empreint d’émotion, Mbarka Dia, la plus héroïque de toutes, adressa un discours historique aux femmes de Nder.

  • « Femmes du Walo, mères et épouses de ceux qui ont toujours mis en fuite les guerriers maures, vous n’avez pas le droit d’être réduite en esclavage. L’histoire du Walo, notre glorieuse histoire, ne nous pardonnerait pas, d’avoir par notre lâche résignation d’être réduite en esclavage, profané la mémoire de tous nos héros tombés sur les champs de bataille.

Les arrières petites filles des combattants de Ndombo, de Diala Wali et de Dialahar, n’ont pas le droit de baisser la tête et de se mettre à genoux devant de si lâches envahisseurs.

Les maures du Trarza seront bientôt au cœur du village. Il nous est impossible de trouver une cachette qu’ils ne sauraient découvrir. Nous seront prises et conduites de l’autre côté de la rive et vendues comme esclaves. Plus jamais nous ne retrouveront nos familles. Tout le reste de notre vie, nous serons vouées au mépris, et à une infâme et cruelle servitude.

Est-ce là un sort digne de nous ?

  • Non, non, répondirent les femmes à l’unisson.
  • Eh bien je vous invite toutes à mourir noblement. Suivez-moi. Nous allons entrer dans la case que le Brack, notre vénéré, réserve à ses hôtes de marque. Nous y mettrons le feu. Ainsi la fumée de nos cendres et l’odeur de nos chairs calcinées, accueilleront nos ennemis.
  • Debout ! Allons mourir en digne fille du Walo. »

C’était un mardi.

Il était environ dix heures. Les femmes de Nder, dans un geste sublime, entrèrent une à une dans la case de Mbarka Dia et y mirent le feu. Serrées les unes contre les autres, elles entonnèrent pour se donner du courage, les vieilles complaintes du Walo, les berceuses déchirantes de mélancolie que toutes les filles savent chanter depuis leur tendre enfance.

Misérables chansons du bord de la tombe. La fumée et les flammes les étouffaient petit à petit jusqu’à ce que la dernière voix, le dernier son ne fusse éteint à jamais. Une odeur insoutenable envahissait la case dont la charpente commençait à s’écrouler sur les corps calcinés.

Les maures frappés par cet éprouvant spectacle, rebroussèrent chemin vers l’autre côté du fleuve. Ils racontèrent aux gens de leurs tribus, la grandiose et sublime action dans laquelle, venaient de s’anéantir celles qu’ils voulaient capturer comme esclaves.  Seule une femme qui attendait un bébé, qu’elle ne voulait pas entraîner dans la mort, a survécu.

C’était un mardi, le mardi de Nder « talatay Nder ».

Ce jour là brusquement, le ciel rempli de nuages plongea le village dans une obscurité totale comme pour cacher les larmes, les cris de détresse et les lamentations des hommes.

Mères, épouses et sœurs avaient péri pour l’amour de la liberté et pour la gloire du Walo.

Depuis ce jour, le mardi est devenu à Nder, une journée de recueillement et de prières à l’intention de celles qui ont gravé dans les annales, l’une des plus belles pages de l’histoire des hommes. Une page d’héroïsme collectif écrite par des femmes dont le patriotisme et l’abnégation émeuvent à des siècles de distance.

Le courage dont ces femmes ont fait preuve, doit aujourd’hui être notre leitmotiv,  pour dire non à tout ce qui est de nature à aliéner notre dignité, notre  engagement, notre détermination et notre foi.

Seydi Babacar GUEYE

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