Sciences et technologie

Jasmine Anteunis, rare entrepreneuse dans l’intelligence artificielle

A 26 ans, Jasmine Anteunis, cofondatrice de la start-up Recast.AI, fait figure d’ovni. C’est l’une des rares femmes entrepreneuses à s’être lancée dans l’intelligence artificielle (IA, ou AI en version anglo-saxonne). Comment a-t-elle vécu ces premières années dans un secteur masculin ? Pourquoi accepte-t-elle de rejouer les role models ?

A 26 ans, Jasmine Anteunis, cofondatrice de la start-up Recast.AI, fait figure d’ovni. C’est l’une des rares fondatrices d’entreprises tech en France où elles ne composent que 17% des effectifs. C’est aussi une de ces courageuses, rarissimes, à s’être lancées dans le domaine très technique de l’intelligence artificielle. Diplômée des Beaux-Arts et passée par l’Ecole 42 fondée par Xavier Niel, elle a ensuite été incubée à Station F. Sa start-up propose une plateforme collaborative pour que les développeurs et le grand public fabriquent leurs propres bots en IA. Elle a fait monter son équipe à 25 personnes en 2017 et enregistré 835 000 euros de chiffre d’affaires selon societe.com. Un chiffre qui n’est déjà plus représentatif de son activité, selon l’équipe de Recast. Le projet a rapidement attiré l’œil d’un grand groupe de logiciels allemand SAP, qui l’a racheté en mars 2018. Elle s’est confiée sur ses premières années dans un secteur très masculin, mais pas caricatural pour autant.

Pourquoi ce secteur manque-t-il de profils féminins, selon vous ?

C’est vrai que le secteur en manque, mais il y en a beaucoup plus à Station F, cela se voit dans les couloirs. Ils ont dû sélectionner les start-up pour plus de mixité [Station F avance environ 40% de femmes cofondatrices d’entreprises, ndlr]. Le milieu tech en général est très masculin et projette une image qui effraie certaines femmes. Mais au quotidien, je n’ai jamais rencontré de problème ni dans mon entreprise, ni à l’Ecole 42. Je veux le dire pour que plus de jeunes femmes aient envie de se lancer. On a besoin de plus de ‘role models’, de profils de femmes qui ont réussi dans des milieux qui ont l’air masculin pour leur permettre de s’imaginer à leur place.

L’autre raison, c’est qu’il y a très peu de femmes développeuses et ingénieures de formation comme moi. Ce n’est pas inévitable, c’est aussi une question de culture. En France, c’est le cas, mais en Iran, c’est l’inverse. Les jeunes hommes reprennent les entreprises de leurs pères. Du coup, pour se faire une place, les femmes font plutôt des études utiles, donc des cursus d’ingénieures.  Je ne sais pas d’où ça vient, mais en France il faut changer ça.

Comment contribuez-vous à la mixité chez Recast.AI ?

Chez Recast.AI, il n’y a pas de discrimination positive à l’embauche. On ne s’est jamais dit “j’ai un nouveau poste, je vais prendre une femme”. On prend ce qui vient. Dernièrement, deux développeuses douées ont rejoint notre équipe. C’est bien, mais il y en a peu : sur 50 postulants, seulement 10 sont des femmes. J’aimerais bien que notre équipe tech soit plus équilibrée. Mais je ne vois pas pourquoi je mettrais les CV de femmes sur le dessus de la pile. Je veux des personnes avec de bonnes compétences, on verra bien ensuite quel est leur sexe.

Votre nouvelle maison mère SAP cherche à recruter plus de femmes avec l’idée qu’elles sont des managers différents, en recherche de sens, moins fermes. Qu’en pensez-vous ?

Oui, il y a des différences entre les hommes et les femmes, mais je ne pense pas être plus douce que mes collègues masculins. C’est une question de personnalité aussi. Je n’ai pas vu de différence majeure entre le management des unes et des autres pour l’instant, mais ça ne fait que deux ans que je travaille !

Les IA sont fabriquées majoritairement dans la Silicon Valley par des hommes blancs, trentenaires, passés par les mêmes écoles avec une communauté de pensée. Y a-t-il un risque que ces IA soient biaisées ?

Il y a deux choses dans votre question. La première est l’uniformité des développeurs et des entrepreneurs derrière les IA, on ne sait pas exactement quel impact cela aura sur leur fonctionnement.

Mais le plus important, ce sont les données utilisées pour entraîner l’algorithme d’une IA. Ces données devraient normalement coller le plus possible à une réalité et donc ne pas contenir de biais. Si les ingénieurs font bien leur travail, ils doivent récupérer des données qui représentent la réalité : des hommes, des femmes, la diversité. Or il peut y avoir des biais dans ces données qui introduisent des erreurs. Par exemple, des développeurs avaient fabriqué un algorithme chargé de prédire les évolutions de salaires dans une entreprise, basées sur les salaires actuels et passés.  Manque de bol, dans notre société, les inégalités de salaires hommes-femmes persistent. L’algorithme a pensé ces différences comme normales et les a appliquées. Il aurait fallu les corriger.

Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui veut entreprendre ?

Il faut commencer par se faire plaisir, se concentrer sur sa volonté et sa passion, elles ont toujours été mes moteurs. Le reste, l’ambition ou le succès, va suivre.

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