International Politique

Conflits et conflictualités sur la scène internationale actuelle

La scène internationale est principalement occupée par des entités souveraines auxquelles une sanction efficace ne peut réellement être appliquée. Elle est anarchique parce que les Etats sont conditionnés par leurs propres règles et qu’aucune règle internationale ne leur est opposable sans qu’ils n’y consentissent. Une telle situation doublée de la volonté naturelle des hommes à tendre vers le même idéal de bien-être, de richesse et d’hégémonie, a fait du siècle actuel, une période latente de guerre. « Tant que les hommes seront, la guerre sera » disait le Général Vincent Desportes, auteur de LA GUERRE PROBABLE. Cette assertion que l’on ne saurait partager dans tout son sens, faute de pouvoir sonder l’avenir, insiste tant bien que même sur l’anarchie de la société des hommes. Au plan interne ou national, cette anarchie est moins grave puisque la coercition étatique impose la conduite à suivre et les effets attachés à leurs violations. Au plan externe ou international, l’absence d’une autorité supérieure capable d’orienter les comportements des Etats et des Organisations Internationales, accentue les conflits et les conflictualités. Si le conflit désigne la manifestation réelle et illégale de la violence, la conflictualité elle, est l’état psychique du conflit lui-même. Un rapport de la CIA prophétise qu’en 2035, la frontière entre la guerre et la paix sera fluide en raison de tensions provoquées par le développement nucléaire ; lesquelles pourraient se matérialiser par des guerres civiles et étrangères. Voici autant de faits qui nous font craindre qu’à tous les niveaux de la vie internationale, la moindre hostilité ne puisse complétement rayer les traces de paix, s’il en existe.

Pourtant, la société internationale est à l’instar de la société nationale, un groupement d’individus. Elles restent toutes les deux, des sociétés. D’une part,  la problématique se trouve à la nature des différents droits qui organisent chacune des deux sociétés. A l’intérieur des Etats, se développe un droit dit de « subordination ». L’Etat se présente comme le souverain absolu, investi d’un pouvoir suprême de décision. Il élabore seul ses règles de droits auxquelles sa population se subordonne nécessairement sous peine de faire face à « la violence physique légitime », selon les termes de Max Weber.

En dehors de la société étatique, on retrouve ni assez de juridictions, ni un organe supérieur de législation moins encore un pouvoir suffisant de contrainte.  D’abord, les mesures d’autoprotection sont plus utilisées pour contre-attaquer l’illicéité d’un acte d’un autre Etat. Ce qui, malheureusement confirme l’état de nature dont la scène internationale porte encore la marque. Cette attitude a favorisé aujourd’hui la recrudescence des mesures de rétorsions économiques et financières. Le retrait des Etats-Unis à l’accord iranien pour appliquer à Téhéran des sanctions économiques ainsi qu’à tous les pays censés lui tendre le bras, est un exemple parmi mille et autres. Ensuite, du point de vue juridictionnel, la Cour Pénale Internationale, ne peut s’intéresser aux affaires des Etats que lorsque ceux-ci ne peuvent ou ne veulent pas juger les dossiers qui interpellent leurs compétences. Elle n’agit que sur une base de complémentarité. Enfin, les règles édictées sur le fondement du droit international ne peuvent valoir lorsqu’elles sont en contrariété avec la volonté de l’Etat ; d’où la nécessité de son consentement. Le droit applicable à la société internationale est, à cet effet,  un droit dit de « coordination ».

Il se trouve alors que c’est parce que le droit interne est plus efficace que le droit international que la société internationale est plus passible de conflits et de conflictualités que la société interne.

D’autre part, la population mondiale ne nourrit pas un désir de vouloir vivre commun. Les inégalités entre les différents espaces du globe fortifient le sentiment d’appartenance à des collectivités distinctes. On parle de pays du Nord et de pays du Sud. Pire, l’expression « tiers-monde » traduit encore un déséquilibre mondial. La fragmentation économique de la scène internationale empêche une cohésion mondiale en ce sens que les plus aisés réfutent souvent les plus démunis par peur de voir l’arbre de la pauvreté germer  sous leurs sols de grandes puissances. La question migratoire qui est entrain de secouer l’Union Européenne traduit  un manque d’entente générale. Les migrants sont taxés d’instaurer des situations de SDF, d’augmenter le taux de chômage et les risques de délinquance. Les politiques migratoires restrictives prouvent que la solidarité mondiale fait encore défaut. En Amérique latine, des brésiliens ont chassé des vénézuéliens et brulé leurs biens alors qu’ils ne cherchaient qu’un abri contre la sécheresse financière qui accable leur pays après être frappés par un harmattan monétaire. Cette désunion des pays fait progresser la densité des tensions sur la société internationale.

Les causes des conflits et des conflictualités identifiées, il faut s’intéresser à leurs manifestations. Ils se manifestent dans plusieurs domaines : écologique, militaire, énergétique, territorial, religieux, économique… Notre argumentaire sera axé sur les deux derniers facteurs évoqués (religieux et économique) en raison de la sensibilité.

Commençons par la religion. Dans son essence, elle est censée concilier un symbole transcendant et asymétrique, que l’on pourrait dénommer Dieu, et ses sujets. Cette finalité attribue à la religion une résonnance sociale car les Hommes organisent parfois leurs rapports sur la base de la religion. Le monde est arrivé à un stade de mutation où elle est dénaturée et détournée de sa raison d’être.  Elle est, aujourd’hui instrumentalisée à des fins de criminalité transnationale que la Convention des Nations Unies contre le Crime International définit comme : « une infraction commise dans plus d’un Etat si elle est commise dans un Etat, mais une partie de sa préparation, de sa planification, de sa conduite ou de son contrôle a lieu dans un autre Etat ; si elle est commise dans un Etat, mais qu’elle implique un groupe criminel organisé qui se livre à des activités criminelles dans plusieurs pays, ou enfin, si elle est commise dans un Etat mais a des effets dans un autre Etat frontalier ». La transposition de ces dispositions sur le cadre religieux fait appel dès le prime abord au terrorisme qui ne laisse aucune contrée du monde indifférente. Partout, les groupes terroristes ne cessent de proliférer : Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), Etat Islamique (EI), Boko Haram (l’Occident est mauvais), Aqmi, Ancar Eddine, etc.  Même les grandes puissances sont grièvement perforées par les attaques terroristes (Frances – Etats-Unis) au même titre que les pays en développement qui sont davantage affaiblis par les manquements structurels et techniques de leurs forces de défense. Ces organisations terroristes ont nourri en Occident une peur de l’Islam ou l’islamophobie qui fait assimiler à l’Islam des préjugés et développe crainte et haine à l’encontre des musulmans. En Allemagne, un mouvement du nom de PEGIDA organise des manifestations contre l’Islam. L’entrée d’un million de Syriens y a provoqué de virulentes réactions.

La crise ecclésiastique participe du ternissement de la religion. A l’Eglise, autrefois considérée comme une personne internationale pour ses activités extérieures, son existence propre et concrète et sa responsabilité personnelle, incombe une prise de mesures sérieuses pour sauver ce qui reste de la ferveur chrétienne.

Du point de vue économique également, le monde est en train de vivre les incertitudes les plus douteuses en ce qu’il bascule constamment entre tensions répétitives et réconciliations malheureuses. Il est déjà de coutume que dans les relations internationales, il n’y a que des intérêts à protéger. Or, ces intérêts sont le plus souvent divergents car tout Etat travaille à ne pas être devancé économiquement. C’est ce qui favorise les conflits d’hégémonie économique dans plusieurs espaces du monde. En Asie, l’Arabie Saoudite et le Qatar suffisent à titre d’exemple. Chacun voulant être le leader du Golf arabique, leur tiraillement a fini par se propager sur d’autres angles autres qu’économiques. L’interdiction du hadj aux Qatariens cette année, trouve sa matrice dans cette guerre de position.

Dans la même perspective économique, les échanges commerciaux restent troublants et comminatoires. L’OMC n’a pu être au monde du commerce ce que l’Etat est à la société étatique. Le monde a ainsi frôlé une guerre commerciale qui aurait opposé comme principaux belligérants les Etats Unis à l’Union Européenne. L’augmentation unilatérale des taxes sur l’acier et l’aluminium par la première puissance mondiale a levé l’excitation européenne prête à faire montre de loi du talion. Les concessions déjà trouvées ont sauvé ces tensions qui peuvent se rétablir d’un moment à l’autre.

Moussa Fall

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