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Ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron sur la laïcité et les « séparatismes »

Ecole obligatoire, « imams détachés », dissolution d’associations… Dans les Yvelines, le président de la République a détaillé vendredi son plan d’action pour lutter contre les « séparatismes ».

Son discours était annoncé de longue date, mais le calendrier des mesures attendues restait à définir. Emmanuel Macron a annoncé, vendredi 2 octobre, que le projet de loi sur les « séparatismes » serait présenté le 9 décembre en conseil des ministres. Accompagné de six ministres, il s’est exprimé depuis Les Mureaux, dans les Yvelines, une commune souvent donnée en exemple pour ses initiatives en faveur du « vivre-ensemble ».

Reporté à plusieurs reprises, cette prise de parole était très attendue. Il s’agissait pour le chef de l’Etat de montrer une image de fermeté et de s’affirmer sur le terrain régalien, à un an et demi de l’élection présidentielle de 2022.

  • « Le problème n’est pas la laïcité »

Pour le président de la République, la laïcité est « la liberté de croire ou de ne pas croire, la possibilité d’exercer son culte à partir du moment où l’ordre public est assuré », constituant ainsi « le ciment de la France unie ». Emmanuel Macron a dénoncé « la radicalisation de certaines pratiques de l’islam » qui « vit une crise partout dans le monde aujourd’hui ». Il met en garde contre « le piège de l’amalgame tendu par les polémistes et par les extrêmes qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans. Nous devons nous attaquer au séparatisme islamiste ».

  • L’instruction à l’école obligatoire dès 3 ans

Le chef de l’Etat veut rendre obligatoire l’instruction à l’école dès 3 ans à partir de la rentrée 2021, tandis que l’instruction à domicile sera « strictement limitée ». Emmanuel Macron a également annoncé la réhabilitation, d’« ici à deux ans », d’une « vraie politique de connaissance des langues et des civilisations à l’école, avec des locuteurs qui sont certifiés au plan linguistique et dont nous savons qu’ils respectent les valeurs de la République ». « Aujourd’hui, plus de 50 000 enfants suivent l’instruction à domicile, un chiffre qui augmente chaque année », a-t-il souligné. « Chaque semaine des recteurs et rectrices trouvent des cas d’enfants totalement hors système ».

  • Fin du système des « imams détachés »

Emmanuel Macron veut mettre fin au système des imams formés à l’étranger avant de venir exercer en France. « Nous allons nous-mêmes former nos imams et psalmodieurs en France, et donc nous devons détacher ce lien qui est celui qu’on nomme de l’islam consulaire », a précisé le chef de l’Etat. Les imams seront formés avec des formations labellisées, devront être certifiés et signer une charte dont le non-respect entraînera leur révocation.

  • Empêcher les « putschs » dans les mosquées

Sans être très précis sur les mesures qui seront mises en place, le chef de l’Etat a aussi annoncé sa volonté de mettre en place un « dispositif antiputsch très robuste » contre les « extrémistes » dans les mosquées. L’objectif, selon M. Macron, est d’« éviter que ces protagonistes, plus subtils et plus sophistiqués, n’utilisent les faiblesses de nos propres règles pour venir prendre le contrôle des associations cultuelles et des mosquées, pour aller prédiquer le pire, organiser le pire ».

  • 10 millions d’euros mobilisés pour soutenir les initiatives de la Fondation de l’islam de France

Les initiatives de cette fondation en matière de culture, d’histoire et de sciences vont recevoir des financements. Le président a aussi évoqué la création d’un « institut scientifique d’islamologie » et de davantage de postes dans l’enseignement supérieur et la recherche dans ce champ « pour ne pas laisser la connaissance, la compréhension de l’islam comme religion de la civilisation qu’elle porte, de sa contribution à notre pays et notre continent, à des débats idéologiques et exclusivement politiques ».

  • « Assurer une présence républicaine au bas de chaque tour, au bas de chaque immeuble »

M. Macron a glissé dans son discours un hommage à Jean-Louis Borloo, auteur d’un rapport sur ces sujets dont très peu de conclusions avaient été reprises jusqu’ici. « Nous le ferons avec le dédoublement des classes, actuellement étendu aux élèves de grande section, 40 cités éducatives supplémentaires seront créées, 300 maisons offrant des services supplémentaires ouvriront dans les prochaines semaines. »

Les autres annonces :

  • L’obligation de neutralité sera étendue aux salariés des entreprises délégataires de service public.
  • La loi va étendre les motifs de dissolution des associations.
  • Toute association sollicitant une subvention publique devra signer une charte de la laïcité.
  • Séparatisme : oppositions et associations pas convaincues par Emmanuel Macron

    L’offensive contre le séparatisme islamiste d’Emmanuel Macron n’a pas convaincu à droite comme à gauche, où on juge le discours du chef de l’Etat hors sujet, quand la majorité salue au contraire « une expression forte loin des caricatures ». Une avalanche de réactions indignées a également émaillé le monde associatif, qui dénonce une « stigmatisation » des musulmans.

    « Hypocrite et malfaisant »

    Sans surprise, le Rassemblement national et une partie de la droite tirent à boulets rouges sur les propositions du chef de l’Etat. Gilbert Collard, député européen, salue « un bon programme » mais « détruit de l’intérieur » par le rôle confié au Conseil français du culte musulman qu’il estime « noyauté » par les Frères musulmans. « Pas un mot sur l’immigration massive qui est le terreau du communautarisme », ajoute le parti. « Ce texte sera un coup pour rien », pronostique le député Les Républicains Eric Ciotti à propos du futur projet de loi.

    A gauche, les réactions sont plus nuancées, mais on estime que les solutions avancées par le président ne s’attaquent pas aux vraies causes. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, admet que ses propos « évitent le piège de la stigmatisation de toute une religion », mais regrette l’absence d’une inflexion de sa politique économique et sociale. Chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a fustigé pour sa part le « caractère hypocrite et malfaisant » du discours.

    Le vrai séparatisme

    « Un certain nombre de problèmes comme la radicalisation se posent dans certains quartiers ghettoïsés, mais c’est avant tout parce que la République les a abandonnés », a affirmé à l’AFP le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, en déplorant une « obsession politique » autour de l’islam en France.

    Pour le président de la Ligue des droits de l’homme, Malik Salemkour, ce discours est une « inflexion profondément inquiétante ». « Alors qu’Emmanuel Macron avait jusque-là évité de diviser, il reprend cette fois les discours de l’extrême droite et nomme le coupable, les “musulmans intégristes” ».

    Le collectif Banlieues Respect, créé en 2005 lors des émeutes urbaines et regroupant plusieurs associations issues de quartiers populaires, dénonce, lui, « une opération de marketing politique à l’approche des élections » qui va « stigmatiser encore plus la communauté musulmane ».

    Plusieurs collectifs de lutte contre le racisme et l’islamophobie ont, par ailleurs, lancé une campagne sur Twitter intitulée #Levraiséparatisme, où ils dénoncent des politiques répressives contre-productives. Dans une vidéo, Assa Traoré, figure de proue du comité La Vérité pour Adama fondé après la mort de son frère en 2016, déclare ainsi :

    « Pour moi, le vrai séparatisme, ce sont ces policiers qui tiennent des propos racistes et des injures. »

    Le porte-parole de l’ONG Attac Raphaël Pradeau accuse, lui, Emmanuel Macron « de faire diversion » en « stigmatisant les immigrés et les personnes de confession musulmane » en pleine crise sociale et sanitaire. « Le séparatisme aujourd’hui se trouve du côté des très fortunés », affirme-t-il, en citant notamment « l’évasion fiscale ».

    avec LeMonde.fr

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