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États-Unis: les 100 jours de Joe Biden, le président qui veut taxer les riches

Alors que Joe Biden s’efforce de convaincre les Américains que son plan d’infrastructures va au-delà de la simple rénovation des routes, et que taxer les plus riches afin d’investir dans l’éducation serait bénéfique à l’économie, quel bilan tirer des premiers 100 jours de son mandat ?

L’exact opposé de Donald Trump. Joe Biden ne donne pas quotidiennement ses analyses sur la crise que traverse son pays, mais il n’a pas tardé à engager des réformes économiques et sociales profondes qui vont à l’encontre des choix de son prédécesseur. Avec quelques succès déjà engrangés.

Créations d’emplois

210 millions de doses de vaccin administrées en cent jours, l’efficacité américaine dans ce domaine a ainsi de quoi faire rêver les autres grandes puissances. Et de fait, ce sont tous les pans de l’économie qui en profitent, le redémarrage de l’activité est réel. Joe Biden, homme pressé, a également lancé en un temps record un plan massif de 1 900 milliards de dollars. Plan adopté sans le soutien des Républicains, il a pour objectif de compenser l’impact de la crise. Résultat : près de 1,3 million d’emplois créés, en février et en mars, et le chômage qui recule à 6%.

À cela s’ajoute le plan de 2 000 milliards de dollars pour les infrastructures (très vieillissantes aux États-Unis) et pour l’emploi, un plan que l’administration Biden entend financer en relevant les impôts sur les sociétés américaines. Cette mesure est au cœur d’une vaste réforme fiscale menée par le locataire démocrate de la Maison Blanche. Le taux maximal d’imposition aux États-Unis pourrait ainsi passer de 37% à 39,6%, à rebours des mesures adoptées durant le mandat de Donald Trump.

Effets sur la dette et l’inflation

Certains comparent la politique économique de Joe Biden au New Deal de Franklin Delano Roosevelt. Cette comparaison est juste, mais elle a ses limites, estime Sylvie Mattely, directrice-adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste des États-Unis : « Le New Deal intervenait dans une économie américaine ravagée par la terrible crise de 1929. Certes, la crise du Covid-19 a touché très fortement l’activité aux États-Unis, mais l’économie s’est montrée très résiliente, et elle est en train de repartir. Ce qui est comparable sur ces deux plans, c’est que l’économie américaine se retrouve comme aux temps de Roosevelt au moment de transition. Il s’agit bien évidemment de la transition énergétique, mais aussi de la révolution numérique. Et il est très probable que l’on ait besoin de l’État et des investissements publics pour passer ce cap ».

Joe Biden pense que c’est par l’accompagnement des familles et par une politique sociale extrêmement volontariste que les États-Unis parviendront à passer ce cap et à se tourner vers l’avenir. Mais ce chemin est encore semé d’obstacles. La majorité dont le président dispose dans chacune des deux chambres est très étroite et cela complique les choses. Ainsi, par exemple, Joe Biden a échoué à imposer la hausse du salaire minimal à 15 dollars dans son vaste plan de relance. Certains observateurs s’interrogent aussi quant aux effets de ces plans de relance et de soutien à l’économie sur la dette publique américaine et sur la hausse de l’inflation qui pourrait passer à 3% voire davantage. « La hausse de l’inflation est un risque », affirme Sylvie Matelly. Le tout est de savoir quel niveau sera accepté et pendant combien de temps. La Réserve fédérale semble accepter une hausse transitoire au-dessus de 2%, mais à court terme.

Il y aussi un autre aspect. « Le plan de Joe Biden repositionne l’État au centre de l’action économique. Cette question fait débat entre les économistes : est-ce que l’action publique est efficace pour relancer l’économie ? Ou est-ce qu’il vaut mieux privilégier la concurrence ? » Un vieux débat que l’économiste de l’IRIS trouve d’ailleurs ouvert : « Si ce retour de l’État devait s’avérer préjudiciable à long terme pour l’économie américaine, il y aura un retour en arrière. »

Locomotive de la croissance mondiale

Ce qui est sûr, c’est que le plan de relance de la présidence américaine aura des effets positifs sur la croissance mondiale. Sylvie Matelly rappelle : « Le marché américain est un marché de consommateurs. À la différence de la Chine où la consommation reste limitée. L’économie chinoise est essentiellement fondée sur l’exportation. En tant que premier marché mondial et première économie, les États-Unis restent le moteur de la croissance de notre planète. Pour cette raison, l’économie américaine est d’ailleurs déficitaire, car les États-Unis importent énormément et ce du monde entier. »

Une certaine idée de la justice fiscale

Il reste un autre projet, très populaire auprès de l’opinion publique américaine. Il s’agit du « plan famille » : investir 1 800 milliards de dollars dans les services à l’enfance et l’éducation, en taxant les grandes fortunes. Ce projet pourrait passer par 1 000 milliards d’investissements et 800 milliards de réductions d’impôts pour la classe moyenne. Cette classe moyenne américaine est au cœur de la préoccupation de l’administration Biden.

Les experts sont unanimes : le système économique contemporain laisse au bord de la route une partie croissante des classes moyennes et populaires. Et parallèlement, « on a vécu des périodes où les mieux lotis, les plus riches étaient ceux qui payaient moins d’impôts. Les entreprises les plus prospères, les plus internationalisées prospéraient grâce à des infrastructures, grâce au dynamisme de l’économie, et grâce à des politiques publiques, mais au fond elles ne participaient pas à la solidarité nationale. Et cela était profondément choquant », estime la directrice-adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques.

Après des années d’une course accélérée à l’optimisation fiscale, mettre les plus riches au profit de l’économie réelle, comme s’apprête à le faire Joe Biden, sonne comme une révolution. Mais aussi comme une certaine idée de justice fiscale qui pourrait faire des émules ailleurs dans le monde.

RFI

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