Religions et spiritualité

EDUCATION RELIGIEUSE ET EDUCATION SPIRITUELLE : TARBIYATOUR ROUH/ TARBIYATOUN NAFS

En islam, l’éducation (at-tarbiya) doit être sous-tendue par la connaissance suivie du respect des préceptes divins, c’est-à-dire l’obéissance aux ordres du Créateur et l’abstinence vis-à-vis de ses interdits, on parlera alors d’éducation religieuse ou tarbiyatoun nafs. Existe cependant, pour les plus avant-gardistes, une autre forme d’éducation qui s’intéresse à la dimension spirituelle, celle relative à l’âme, en plus de l’intérêt qu’elle accorde à la chair (le nafs) : il s’agit de l’éducation dite spirituelle (tarbiyatour rouh).
L’éducation religieuse ou at-tarbiyatoun nafs renvoie à la formation ou à l’initiation du nafs à la dévotion. Le nafs souvent appelé égo ou âme charnelle, fait allusion à la chair employée ici dans le sens des jouissances pouvant constituer une entrave à l’observance des préceptes divins. Eduquer son nafs fait donc référence à l’effort à fournir pour dompter ses penchants en contradiction avec la charia, de sorte que nos paroles et actes soient tels que nous l’ordonne notre Seigneur ; c’est-à-dire que l’on s’abstienne de commettre ses interdictions et que l’on exécute ses ordres, n’en déplaise à nos envies.
La tarbiyatoun nafs, se chargera ainsi par exemple d’empêcher à nos yeux de regarder des images obscènes ; d’interdire la médisance ou la calomnie à notre langue ; d’épargner nos mains du vol ; bref de garder nos membres du péché. On comprend l’utilisation des concepts de tarbiyatoun nafs qui signifient littéralement « l’éducation du nafs », ou la formation de tout ce qui est relatif à la chair, en ce sens que c’est le corps à travers ses membres qui est convoqué pour commettre un péché.
Cette formation peut toutefois s’avérer périlleuse lorsqu’une transgression s’érige en habitude, aussi, se retenir face à ses appétences est parfois difficile. Subsiste dès lors, des signaux pouvant nous aider à raffermir notre foi et nous encourager dans notre démarche « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela (le Coran), la vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute chose? » (sourate 41 ; verset 53). Les signes dont ce verset fait référence peuvent résider dans des phénomènes propres au monde qui nous entoure, à l’image de l’allégorie présente dans le verset 20 de la sourate 50 ; un verset qui ne doit être cantonné dans son sens purement littéral, « Si nous avions fait descendre ce Coran sur une montagne, tu l’aurais vu s’humilier et se fendre par crainte d’Allah. Et ces paraboles nous les citons aux gens afin qu’ils réfléchissent ». Il n’est ici pas question pour Allah d’affirmer qu’une montagne serait plus pieuse qu’un humain puisqu’elle se fendrait sous le poids de la révélation du coran, mais il s’agit plutôt d’une exhortation à la piété et à la révérence envers les versets sacrés et ce qu’ils renferment comme recommandations, quoiqu’il existe bel et bien des individus moins pieux qu’une montagne, sauf que ces deux créatures (la pierre et l’être humain) n’ont pas la même complexion.
Conjointement aux phénomènes et signaux divins dont l’observation et la méditation sur leur constitution sont capables de nous inciter à la piété, figurent en sus, des personnes au summum de la tarbiyatoun nafs. Il s’agit d’individus d’une exemplarité irréprochable qui peuvent nous servir de modèles de droiture et de dévotion ; à l’image de Cheikhal Hadji Malick Sy (rta) ou encore de Cheikhal Hadji Abdoul Aziz Sy Dabakh (rta).
Parce- qu’il était la piété incarnée, Seydil Hadji Malick (rta) avait fait du Coran et de la sunna, ses seules sources de guidance (l’exemple de la précaution et de la pénitence dont il faisait montre en ce qui concerne sa nourriture et sa boisson est très illustratif). Jamais acte n’a été posé par lui sans qu’il ne soit d’abord convaincu que celui-ci est admis par sa foi. L’exemplarité de la tarbiyatoun nafs de Cheikhal Hadji Malick Sy (rta) s’avère d’autant plus impressionnante, parce qu’il était un dignitaire religieux très adulé pouvant avoir à sa disposition tous les privilèges et vivre dans l’opulence, mais qui a préféré travailler dans ses propres champs et vivre dans la privation. Sa vie et au-delà ses œuvres, représentent de ce fait, des viatiques pour quiconque souhaiterait éduquer son nafs et devenir un musulman accompli.
Le couronnement de l’éducation religieuse de Cheikhal Hadji Malick (rta), ne doit pas nous faire perdre de vue l’achèvement de son éducation spirituelle (tabiyatoun rouh). Ce qui nous conduira à la deuxième partie de cet article consacrée à cette dernière nommée.
Comme nous avions eu à le voir, la tarbiyatoun nafs se veut de faire du croyant un musulman accompli d’autant plus que s’affranchir des commandements divins peut conduire à la géhenne comme se conformer à ses règles peut être synonyme de paradis : « Ceux qui croient et font de bonnes œuvres auront pour résidence les Jardins du «Firdaws,» (Paradis), (…) où ils demeureront éternellement, sans désirer aucun changement » (sourate 18 ; verset 107 et 108). Toutefois, le Seigneur renchérit dans le verset suivant « Dis: «Si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de mon Seigneur, certes la mer s’épuiserait avant que ne soient épuisées les paroles de mon Seigneur, quand même Nous lui apporterions son équivalent comme renfort» (le verset 109, de la sourate 18 toujours). Allah fait ici allusion à l’étendue de ses connaissances et par la même occasion à sa grandeur. Alors que la plupart se contente de pratiquer la religion afin de se prémunir de l’enfer ou d’accéder au paradis, comme le promet du reste le Seigneur dans les versets 107 et 108 de la sourate la caverne (kahf), que nous avons vu un peu plus haut , d’aucuns ont voulu aller plus loin, espérant de ce fait atteindre la face de Dieu, Créateur de l’enfer et du paradis.
Et c’est à ceux-là que s’adresse ce verset (109) qui constitue une insinuation quant’ à l’immensité et l’exquisité du Tout Puissant qui, certes, est plus savoureux, plus somptueux et plus vaste que l’éden et ses jardins tant convoités. Cette aspiration à la connaissance de Dieu et la formation qu’elle nécessite est appelée at-taryatour rouh.
La tarbiyatour rouh ou éducation spirituelle renvoie, en termes plus explicites, à la formation de l’âme qui, comme nous l’a apprise Mawlaya Seydi Mouhamed El Cheikh, est logée dans le cœur. Quoi de plus logique donc pour découvrir l’Inconnu qu’est Allah, que d’user du coté secret de l’homme incarné par le rouh ou âme « Et ils t’interrogent au sujet de l’âme, Dis : « l’âme relève de l’Ordre de mon Seigneur. » Et on ne vous a donné que peu de connaissance » (sourate 17 ; verset 85). L’âme appartient, en effet, au monde des mystères (ghayb), ce qui la rend invisible aux yeux de la majorité des gens, même du biologiste le plus chevronné, à moins qu’il n’ait réussi son éducation spirituelle. C’est parce qu’elle est à l’origine de la vie et des battements du cœur, que celui-ci arrête toute palpitation lorsque l’âme se retire, c’est-à-dire lors de la mort. Aussi, l’automatisme de l’âme qui continue d’étonner les scientifiques, lui permet de continuer à faire battre le cœur pourtant mis hors du corps au sein duquel elle évoluait.
Comme le corps, l’âme nécessite également d’être alimentée, pas avec de la nourriture cependant, mais plutôt avec de la lumière qu’elle puise du zikr. Encore, de la même manière que la tarbiyatoun nafs procure la droiture (al houda) lorsqu’elle est achevée, la tarbiyatour rouh ou éducation spirituelle ne peut se matérialiser que sous la houlette d’un maitre mystique (al haadi), ce qui n’est pas impératif pour une éducation religieuse achevée. Ainsi, Le Seigneur en parlant de l’âme, a bien précisé : « Et on ne vous a donné que peu de connaissance » (sourate 17 ; verset 85). Cette connaissance relative à l’âme n’est donc détenue que par quelques rares initiés appelés Cheikhou Tarbiya (maitre mystique ou guide spirituel). Ce dernier devra être en mesure de connaitre le zikr (de même que la fréquence, la durée et le nombre usité) qui sied à notre carrure mystique et rien de tel que celui de la salatoul fatiha.
Une éducation spirituelle réussie procure un degré mystique (martaba), ainsi qu’un pouvoir spirituel (wilaaya). Celle-ci, la wilaaya, est constituée de différentes strates que représentent les différentes dimensions mystiques des awliyaas (saints) dont la crème siège à la hadaratoul illayiha (assemblée céleste), ou la rencontre tenue par les hommes de Dieu et qui a lieu chaque jeudi soir au cinquième ciel de 1h à 5h du matin (heure du Sénégal). Des privilèges que ne peuvent concéder la tarbiyatoun nafs (éducation religieuse) dont le plus haut rang qu’elle peut consentir est celui auquel appartiennent les salihiin (vertueux). Un rang qui bien que salutaire, n’est guère comparable au grade des awliyaa. Aussi en l’absence d’une éducation religieuse achevée, la tarbiyatour rouh peut combler ce manque en parfaisant le nafs, car une âme lumineuse incite à la droiture. En outre, la lumière qu’octroie l’éducation spirituelle à l’âme lui permet d’avoir l’aptitude de se transposer (parfois en plus du corps de la personne) dans le monde des mystères (ghayb) pour découvrir l’étendue de la manifestation de la réalité divine dans toute la création. Elle requiert de la volonté et de la constance, là où l’éducation religieuse exige l’obéissance à Allah. Son aspirant a donc plus de mérite que celui de l’éducation religieuse, parce que consacrant plus d’effort : à savoir l’abnégation dans le zikr en plus du respect de la charia.
Et c’est pour cela qu’il pourra bénéficier de la part de son Seigneur, en guise de récompense, d’attributs pourtant divins, tels la possession du pouvoir de la parole créatrice (koun fa yakoune) comme détenu, du reste, par certains hommes de Dieu ou la capacité de pouvoir parler aux animaux.
Egalement, lorsqu’elle arrive à un certain degré, l’éducation spirituelle procure le pouvoir de pureté appelé aussi pouvoir de sainteté. Ce pouvoir, détenu par certains saints, est d’après Mawlaya Seydi Mouhamed El Cheikh l’aptitude permettant d’épurer une chose d’ordinaire impure grâce à une lumière et une sainteté incommensurable. Précisons, que même si la majorité des gens entament leur formation spirituelle une fois sur terre, certains l’avaient commencé bien avant leur naissance, à l’époque de la préexistence. Ceux-là ont une sainteté innée qui diffère de la sainteté acquise que concède une éducation spirituelle entreprise une fois sur terre.
En sus, le secret relatif à l’éducation spirituelle est détenu par le khatmiya (intermédiaire entre le prophète et les autres saints et aussi les autres créatures) et katmiya (intermédiaire entre le prophète (psl) et les autres prophètes) de Seydi Ahmed (psl) à savoir Mawlaya Cheikh Ahmada Tijani Chérif (rta). Ceci fait que l’éducation spirituelle n’a connue son essor qu’avec son avènement. Encore, assurait-il ce rôle avant même sa naissance, et ce, depuis le monde invisible (ghayb), grâce à son pouvoir spirituel unique.
Parallèlement à ces deux formes d’éducation vues plus haut, réside un autre type d’éducation répondant sous le vocable d’éducation de base. Sa particularité est qu’elle est commune à toute l’humanité bien que son contenu peut différer d’une culture à une autre. L’éducation de base renvoie à la faculté permettant à l’individu d’avoir un comportement humainement acceptable. Elle confère à l’homme le savoir-être et le savoir-vivre permettant d’évoluer en société conformément aux mœurs en présence et sert de frontière entre la bestialité (qui n’a d’ancrage que l’instinct animal) et ce qui est raisonnable.

DESK RELIGION ET SPIRITUALITE

Related posts

La réalité Divine à travers ses représentations

waladounyati

LES SIÈGES DE LA TIJÂNIYA (Partie 1) : LE PARASOL DE LUMIÈRE DE TÎJÂNIYATOUL OUZNÂ

waladounyati

L’ACTUALITE DE LA SOURATE 41 A TRAVERS LA MISSION DE L’IMAM EL MAHDI

admin
Chargement....
error: Waladounyati - Contenu protégé !