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Mali : une nouvelle attaque meurtrière qui interroge

ANALYSE. Comme pour faire écho aux présidents Sall et Ghazouani, la mort de 24 soldats maliens montre que tout le dispositif anti-djihadiste est à repenser.

 Par Patrick Forestier

L’accrochage s’est déroulé le 18 novembre, tout près du Niger, au sud de la ville de Ménaka. Une colonne de l’armée malienne roulait vers la frontière quand elle est tombée dans une embuscade à Tabankort menée par sept véhicules, des motos et semble-t-il des tuk-tuks, deux tricycles probablement volés dans un centre de santé. Le combat est intense et le bilan, une fois de plus, très lourd : 24 soldats maliens tués et 29 blessés qui risquent au fil du temps d’augmenter le nombre de victimes. Côté djihadistes : 17 ont été abattus et une centaine de suspects ont été arrêtés. Après l’hécatombe d’au moins cent vingt soldats tués par les djihadistes depuis le 30 octobre et l’abandon de ses postes isolés, l’armée malienne a lancé une contre-offensive dans la vaste région des trois frontières, dans une opération combinée avec des forces du Burkina Faso et du Niger. 1 400 hommes au total, dont la force conjointe du G5 Sahel accusée jusqu’ici de ne pas être opérationnelle.

Tous cherchent depuis une quinzaine de jours à éradiquer les GAT, les groupes armés terroristes affiliés à Al Quaïda et à Daech, fortement implantés dans cette zone du Gourma qu’ils contrôlent largement. Une opération présentée de grande envergure et bénéficiant du soutien du dispositif français Barkhane, en premier lieu de ses drones, de ses avions Mirage, de ses hélicoptères Tigre, de son assistance technique et de ses officiers de liaison. Le 24 octobre, l’état-major français avait annoncé qu’une semaine auparavant, ses soldats avaient éliminé huit membres de l’État islamique au Sahara, dans la région de Liptako.

Des terroristes toujours actifs

Jusqu’à la mi-novembre, les premiers résultats de cette opération combinée semblent positifs pour le camp gouvernemental. La Force G5 Sahel annonce la neutralisation ou la capture de 25 terroristes. 64 motos et 2 véhicules sont détruits, plus d’une centaine de téléphones sont récupérés. Un dépôt de carburant et un atelier de fabrication de mines artisanales sont aussi démantelés, « portant ainsi un grand coup à la mobilité des GAT de cette zone ». À côté des photographies du matériel saisi, le long communiqué du G5 rappelle que « la lutte contre le terrorisme est une œuvre de longue haleine et… que le soutien des populations reste capital ». Un message destiné aux populations qui manifestent désormais dans les capitales africaines à chaque tuerie de soldats. Mais la résilience des terroristes islamistes apparaît de plus en plus forte. Ils ne baissent pas les bras et n’évitent pas le contact. Un jeune caporal meurt des suites de ses blessures à la suite de l’explosion d’un engin explosif improvisé au passage de son blindé. Quelques jours plus tard, les FAMA tombent dans une embuscade alors que l’opération de la « reconquête » bat son plein.

Un paramètre qui montre que malgré les coups portés aux terroristes, ceux-ci sont toujours présents et actifs. 40 % des pertes françaises sont dues à des explosifs, que les terroristes enfouissent dans les lieux de passage présumés des véhicules français qui, du coup, évitent les pistes. Le ravitaillement s’effectue en priorité par voie aérienne car les convois sont vulnérables et doivent être protégés, ce qui mobilise des effectifs combattants dédiés en premier lieu à affronter un ennemi, le plus souvent invisible. Pour la première fois, par rapport à la longue liste de celles qui ont été projetées en Afrique depuis la guerre d’Algérie, une opération extérieure française marque le pas sur ce continent.

Alors qu’en termes de volume, c’est une des plus importantes. Certes, les forces françaises ont largement le dessus dans ce combat asymétrique, mais ont dû revoir à la baisse l’objectif initial. On ne parle plus de gagner la guerre contre les terroristes, mais de réduire leur capacité offensive, pour la ramener au niveau des forces africaines, qui prendrait ainsi le relais de cette lutte qui s’annonce très longue. Problème, l’armée malienne et le G5 Sahel ne sont pas vraiment prêts et manquent surtout de moyens et d’argent, pourtant promis, en premier lieu, par les Européens. Sans compter que le Mali et le Burkina Faso n’affichent pas toujours une forte volonté politique, par crainte de leur opinion, pour s’engager à fond contre le mal terroriste qui les ronge.

« Un mandat plus offensif »

Du côté des chefs d’État africains, la coupe est toutefois pleine. Au forum de Dakar pour la Paix et la Sécurité en Afrique, le président sénégalais n’a pas mâché ses mots : « Avec plus de 14 000 membres de la Minusma, un peu plus de 5 000 du G5 Sahel, plus Barkhane, plus l’armée malienne. Cela ne fait pas moins de 30 000 hommes qui sont sur le théâtre qui est pris en otage par une bande d’individus. C’est un problème. Pourquoi ne sommes-nous pas capables de régler cette affaire ? » a clamé Macky Sall. Avec ses homologues, il demande un mandat plus offensif de l’ONU, des fonds et la livraison de matériels militaires.

En clair, une action forte, concentrée, et non pas disséminée dans le temps et l’espace, qui annule de facto sa portée sur le terrain face à des djihadistes qui combattent à « l’usure » une gestion d’une crise qui pourrait apparaître jusqu’ici routinière. En attendant, le président tchadien Idriss Deby, critiqué mais resté guerrier dans l’âme, a autorisé le déploiement dans le Gourma de ses soldats, réputés pour leur réelle âpreté au combat. Un renfort qui peut changer la donne, là ou la coalition franco-africaine semble sinon échouer, du moins rencontrer de très grandes difficultés.

Source:https://www.lepoint.fr/afrique/mali-une-nouvelle-attaque-meurtriere-qui-interroge-19-11-2019-2348441_3826.php#

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